Les réminiscences se sont multipliées. Elles sont toutes joyeuses, mon adolescence était paisible et pleine d'amour. Je ne me rappelle pas comment Tulan est rentré dans ma vie, mais ce n'est pas ce qui m'intrigue le plus. Ce qui me harcèle, c'est Lya, mon ange au bandeau rouge. Parce que je n'ai pas de doute, les deux enfants du jour funeste qui a changé ma vie, ce sont elle et son frère. J'ai aimé cette fille à l'instant où je l'ai vu. À en croire mes souvenirs, c'était réciproque, je me demande ce qu'elle est devenue. Cette pensée comprime ma poitrine, car je sais que jamais je ne l'aurais laissé de mon plein gré. Quelle horrible vérité finira-t-elle par remonter ? Mais pour le moment, je profite de son rire qui résonne à mes oreilles, de sa malice lorsque ses baguettes volaient dans mon bol, de son expression faussement en colère, les mains sur les hanches quand elle voulait me gronder.
Lya.
Un soupir m'échappe, mon bouillon clair est aux premières loges de cet amour qui me secoue et n'a pas de sens, puisque je ne sais pas comment ma relation avec le farouche ange a évolué. Peut-être ne l'aimais-je même plus quand mon esprit s'est envolé ? J'ai du mal à y croire, mais s'il y a bien une chose que j'ai retenue sur mon amnésie, c'est que je ne peux être sûr de rien à mon sujet.
— T'as l'air complètement ailleurs, commente Gon.
— Je songeais à mon passé.
— Ça avait l'air agréable, se moque le sergent Shaun.
— Il a bien raison de se distraire, intervient Joh en caressant un ruban jadis rouge noué à son bras. Moi je pense beaucoup à ma femme.
— Et on s'en passerait, merde ! ricane Bwan qui partage la tente avec lui.
L'ambiance est bonne enfant, de loin nous entendons les percussions de la liesse du camp voisin, je pourrais presque oublier tout ce qui pèse sur nous, mais tout se rappelle vite à moi, par la présence du capitaine Tan qui d'un signe de tête nous enjoint, le sergent et moi, à le suivre. Il ne nous attend pas, j'abandonne mon bol et vais vite le retrouver.
— On va mettre le feu au campement, attaque-t-il de but en blanc.
— Pardon ? dis-je sans pouvoir m'en empêcher.
— Capitaine, vous êtes sûr ?
— Oui, on va attendre la nuit et qu'il n'y ait plus de musique en face et on mettra le feu ici, on utilisera une partie de l'alcool pour ça.
— Et ensuite ? demandé-je.
— On fuit la forêt en flamme en passant chez l'ennemi.
— Mais ils vont le voir ! m'inquiété-je.
— Nous ne pouvons pas traverser discrètement, c'est un coup à se faire abattre. S'ils sont tous fatigués et saouls, ils vont mettre du temps à prendre des décisions, on aura une chance qu'ils nous accordent un droit de passage.
— C'est...
— Hasardeux ? propose-t-il en souriant.
— Un peu.
— C'est une bonne idée, intervient le sergent Shaun.
— Non cela n'en est pas une, avec tout le respect que je vous dois, sergent et capitaine.
— Peut-être qu'ils nous feront prisonniers, mais peut-être aussi qu'ils n'en auront rien à faire de nous laisser déserter. Ils auront enfin ce qu'ils voulaient. Le point surplombant la rivière sera à eux. En plus, notre camp verra les flammes aussi et ils croiront sûrement que nous avons tous péri soit dans l'incendie, soit capturé par l'ennemi.
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Frères Ennemis
AçãoSe réveillant sans la moindre idée de qui il est. Vyn va croiser des usuriers dont il fait apparemment parti. Perdu entre sa morale et la dure réalité de la vie, il va vite apprendre que sans violence il ne fera pas long feu. Quand, petit à petit...