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La température baisse vite en altitude et il est difficile de garder tout le monde motivé. Le capitaine Tan m'a assigné en fin de file pour aider les plus faibles. Je suis obligé d'en tracter certains sur plusieurs mètres pour les pousser à se dépasser. Ce n'est pas dormir une nuit qu'il me fallait avant cette journée, mais une neuvaine entière !

Alors que je tire Bwan pour le forcer à avancer, la colonne s'arrête brusquement. Des voix me parviennent, mais je ne vois rien.

— Merde, des soldats, tu crois ? s'inquiète mon ami.

— Je ne sais pas, nous devons rester prêts, au cas où, murmuré-je.

Mon conseil à peine dispensé, je réalise que j'aurais dû payer plus d'attention à ce qui se passait dans mon dos, car une quinzaine de personnes ont surgi et nous menacent avec leurs armes. Le sentier est étroit et au moindre geste hostile, ils nous transperceront.

— Êtes-vous des bandits ? demandé-je en mettant mes mains en évidence.

— Non, c'est notre montagne, notre chef discute avec le vôtre. Alors, maintenant, tais-toi !

L'homme aux cheveux clairs et hirsutes a placé son acier émoussé sous mon menton pour ponctuer sa phrase.

— Ta trogne ne me revient pas, j'espère que je pourrais te tuer, ajoute-t-il.

Impassible, j'évite même de le provoquer en focalisant mon attention vers le bas. Le temps s'écoule doucement, ou est-ce seulement mon ressenti, car ma vie ne tient plus à grand-chose. Puis, soudain, déchirant la torpeur de notre groupe, un sifflement strident provenant de l'avant remet tout le monde en action, l'arme quitte ma peau irritée et le sauvage nous invite à avancer sur la route.

La tension n'est pas chassée pour autant, mais ne plus me sentir menacée d'aussi près me soulage.

Malgré l'allure très lente, beaucoup de mes camarades chancellent et Fylan chute. Ce chemin qui n'en finit plus de monter sape les forces et même avec sa bonne volonté mon ami ne se reprend pas.

Le type hirsute me bouscule pour me doubler et aller à la rencontre de notre compagnon épuisé.

— Si tu te relèves pas, je te tue.

Ce barbare de la montagne a des envies sanguinaires qu'il a du mal à réprimer, j'ai le sentiment qu'il cherche la moindre excuse pour tuer.

— Tu ne le tueras pas, dis-je en tirant sa main armée en arrière.

— Sale trogne, tu veux y passer en premier.

Préférant ignorer la question, je tends mon sac à Bwan et charge Fylan sur mes épaules.

— Ça suffit, Nan ! Tant qu'ils avancent, fous-leur la paix !

En me contorsionnant pour voir, je réalise qu'un des sauvages vient sûrement de nous sauver la vie en stoppant son comparse dont le bras est prêt à frapper. Ce n'est pas passé loin, il faut que je reste vigilant.

L'air frais n'aide pas à soulager la brûlure qui habite chacun de mes muscles. Le poids de Fylan m'enfonce toujours un peu plus dans le sol. J'espère que nous sommes proches de la destination. Les arbres qui bordaient le sentier se font de plus en plus rares au fur et à mesure que nous atteignons les hauteurs. Il n'y a plus rien pour nous préserver du vent.

Heureusement, mon souhait s'exauce, nous touchons au but, même si j'ai du mal à comprendre ce que nous faisons-là. Car à part six cahutes et un troupeau de chèvres, il n'y a rien.

Le capitaine Tan nous autorise à nous reposer. Sans aide, je n'aurais pas été capable de décharger Fylan et je finis en nage les muscles tremblants à essayer de récupérer.

Frères EnnemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant