22.

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— Ce regard... commente le prince héritier Yun quand je m'approche de lui dans son appartement.

— Qu'a-t-il mon regard ?

— Il endure tous les tourments de l'empire, tu es presque redevenu comme avant. C'est Soon, j'imagine.

J'acquiesce.

— Qu'est-ce qu'il avait de plus mon regard, avant ? finis-je par demander.

— Le poids du monde.

— Vous savez pourquoi ?

— Non, je sèche. J'ai toujours cru que c'était à cause de ma survie... Peut-être que c'était ça et que tu n'as pas encore pris la mesure des menaces à mon encontre, ou peut-être qu'il y a autre chose.

— Vous aviez les autres réponses sans me les donner, dis-je un peu accusateur avant de m'en rendre compte et de m'excuser.

— Il y a longtemps, j'ai lu un traité sur l'amnésie et il était conseillé de rappeler des souvenirs joyeux aux gens, mais de ne pas les accabler avec des éléments qui pourraient leur faire peur, pour ne pas ralentir le retour de la mémoire. Ce n'était pas contre toi.

— Le sabre de Soon, c'était vous aussi ?

— Oui, vous étiez deux jeunes vraiment prometteurs, je voulais vous offrir votre chance pour votre service militaire, mais Soon n'est jamais venu.

— Je suis le prévisible, lui l'imprévisible... Ça a toujours été comme ça... J'aimerais reprendre complètement ma place à vos côtés, Votre Altesse, si vous le permettez. Je n'ai été d'aucune aide en ce qui concerne Soon, il s'est constamment beaucoup trop méfié. Mais je l'espionnerai de près, pour savoir qui il recevait quand j'étais chez lui aujourd'hui, peut-être était-ce le ministre du peuple, je les ai déjà vus ensemble.

— Il y a eu plusieurs plaintes en l'encontre de Soon, j'imagine que leur entrevue avait rapport avec ça, ce ministère est assez lié à celui de l'armée et du budget, tous deux acquis à mon frère. Celui du peuple est neutre pour le moment, s'il se rallie à la cause de Lyn, ça n'arrangera pas mes affaires. Les trois ensembles pourront taire toutes plaintes de la population et recruter à tour de bras que nous n'en serions rien, il n'en resterait aucune trace.

— Je vais me renseigner, dis-je en m'inclinant pour partir, mais au dernier instant, je fais volte-face. Pourquoi ne m'avez-vous jamais demandé de tuer Soon ?

— Tu l'aurais fait ?

— Je pense.

— Si jamais tu m'avais désobéi parce que je t'avais ordonné l'impossible, j'aurais perdu mon meilleur élément, ça n'en valait pas la peine. De plus, je pense que si tu estimes que c'est réellement nécessaire, tu le feras.

J'imagine qu'il dit vrai.

Avant de partir, j'en profite pour le questionner sur mon lieu de vie. Il m'apprend que j'étais logé à la caserne, mais que comme je suis supposé être mort, je ne peux plus y retourner. Ma curiosité satisfaite, même si je ne suis pas plus avancé, je m'incline une nouvelle fois et je quitte ses appartements pour de bon. L'y rejoindre était ma seule option pour lui parler, il est toujours coincé par la délégation avec qui les négociations n'ont pas commencé. Le protocole est fastidieux, il y a l'échange des présents, la cérémonie d'accueil et que sais-je encore.

Sur le trajet retour, je sens la bourse de Soon peser de plus en plus lourd dans ma tunique, est-ce qu'il me l'a laissé à escient ? Est-ce que cette situation aussi m'était inévitable ? Suis-je si prévisible que ma vie est toute tracée ?

Avec amertume, je disparais dans la nuit.

Comme je n'ai pas d'endroit où me reposer, je me poste près de la maison de Soon, sans rien relever de suspect. Une fois le jour levé, je me déniche une chambre dans une auberge en périphérie de la ville et vais m'acheter de nouveaux vêtements, des noirs comme avant. Un dernier passage dans la maison que Soon m'avait donné pour récupérer mes autres affaires et ma vie a regagné son axe. Je suis à nouveau Mun. Pour le meilleur et pour le pire.

Frères EnnemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant