Frères Ennemis

32.

Arrivé devant les appartements des « invités » les soldats ne me laissent pas passer. La répétition de cette situation commence à me fatiguer.

— Écoutez, dis-je avec calme. Je suis le commandant Mun aux ordres du prince héritier Yun et de sa famille. La princesse consort Lya m'a demandé de quérir la compagnie de...

Je réalise que je ne connais pas l'identité de la femme de Tan, une bouffée de panique monte avant que je ne trouve rapidement une parade.

— ... de son amie et de ses enfants pour assister au feu d'artifice. Elle a expressément exigé que je les escorte. Je resterais présent tant qu'ils ne seront pas là.

— Tout commandant que vous êtes, vous n'avez aucune autorité sur nous.

Gardant mon sang-froid, je m'apprête à argumenter quand une femme d'une trentaine d'années sort. Elle me fixe quelques instants, puis offre un sourire aux gardes.

— Suis-je prisonnière ? déclare-t-elle dans un rire.

— Non, madame, mais vous ne nous aviez pas informés.

— Voilà qui est fait ! J'arrive, commandant Mun.

M'inclinant, je la laisse entrer pour terminer de se préparer.

La nuit est presque totale, l'empereur ne va pas tarder à se rendre sur son promontoire. Je reste stoïque alors que j'ai envie de hâter tout le monde.

Heureusement, la femme du capitaine ne traîne pas. Elle est accompagnée d'un garçon et d'une fille.

— La princesse consort et moi ne sommes pas amies, me souffle-t-elle alors que nous avançons sur un chemin pavé entre deux jardins.

— Je n'en savais rien, mais c'est bien auprès d'elle que nous allons.

— Pourquoi veut-elle me voir ? chuchote-t-elle.

— Elle ne sait rien de votre venue, avoué-je. Il va y avoir du grabuge et je préfère vous mettre en sureté.

— Oh, je vois, c'est l'amitié de votre maître pour mon défunt mari qui est à l'œuvre. Des amitiés comme ça, on n'en voit pas tous les jours.

Mon cœur prend un coup, car jeune, j'étais persuadé que le lien que je partageais avec Soon était de cette nature, voire plus fort. Mais la triste réalité, c'est que je ne partage plus rien avec personne. Chassant ma mélancolie, je me rappelle les objectifs de cette soirée, dont le plus important : protéger Lya.

Nous passons devant mes hommes qui, très disciplinés, sont en position et ne bougent pas.

— Vous veillerez aussi sur ses trois personnes, leur ordonné-je en les regardant.

— Bien, commandant.

— C'est presque inquiétant, commente la femme.

Un eunuque, surpris, nous annonce.

Lya arrive dans un bruissement de soie. Sa beauté me frappe douloureusement dans la poitrine, au point où je baisse les yeux pour vérifier que mon corps est intact.

— M-Commandant Mun.

— Votre Altesse, j'ai pensé qu'un peu de compagnie vous serez profitable ce soir.

Tula s'avance avec ses enfants et je l'entends lui souffler la mise en garde que je lui ai faite.

Lya plonge son regard déterminé dans le mien et une vague de frisson me parcourt.

— Commandant, j'ai besoin d'un peu d'aide, pourriez-vous entrer un moment.

L'eunuque sur le seuil s'horrifie à l'idée qu'un homme pénètre à l'intérieur et il m'en interdit le passage.