Frères Ennemis

38.

Nous sommes près d'un ruisseau. Complètement avachi contre la rive, je bois, ma tête tourne, je suis inutile, je ne pense même pas à donner le change.

Lya approche dans sa robe déchirée et tachée de sang, le mien.

— Tu vas tenir ? me demande-t-elle.

— Jusqu'au bout, réponds-je en tentant un sourire.

— Tu as vraiment une figure à faire peur. Laisse-moi examiner tes blessures.

— Non, dis-je sentant l'attention du prince sur moi.

Lya qui a compris le malaise cherche son mari du regard et l'épingle avant de le rejoindre dans de grands pas.

— Va dire à ton soldat de me laisser le soigner.

— Tu crois que je vais ordonner à ton ancien amant de te laisser le toucher ?

— Tu es puéril ! s'énerve-t-elle.

— Et toi tu n'as aucune décence !

— Très bien !

Lya se détourne de lui et vient près de moi.

— Mun, je t'ordonne de te déshabiller et de te laisser te faire soigner.

— Lya... tenté-je.

— C'est un ordre de la princesse.

— Ordre que le prince n'approuve pas et c'est de lui que je reçois mes ordres.

— Crève, alors, vas-y, t'as qu'à même te trancher la gorge de suite ! Tu ne sers à rien dans cet état.

— Je sais.

Exaspérée par ma réponse, elle tourne les talons et s'éloigne dans les bois prétendant devoir assouvir un de ses besoins, ses deux enfants sur les talons.

— Je préfère te laisser mourir que de la laisser te faire des mamours, me lance le prince en me jetant un regard mauvais.

Le capitaine soupire, moi je comprends le sentiment de trahison que doit ressentir le prince Yun. Je trouve qu'il le contrôle plutôt bien avec cette situation critique, beaucoup ne sauraient pas gérer leurs émotions.

Un petit cri retentit dans les fourrés, le prince interpelle Lya et les enfants pour savoir ce qui se passe, mais il n'y a pas de réponse. Une mauvaise intuition me saisit.

Le capitaine s'approche en s'annonçant, mais il est vite obligé de reculer, les mains en évidences, parce que devant lui qui sortent de derrière les arbustes : Kuryn et Byo tiennent chacun une lame sous la gorge d'un des enfants. Sans parvenir à me redresser, j'essaie de garder mon calme et d'analyser la situation.

— Vous n'allez pas faire ça ! interpellé-je mes anciens camarades.

— Té le moribond, c'est pas vraiment comme si on avait le choix.

— Byo ! lancé-je au géant qui semble moins déterminé que son compagnon.

— L'est pas commode le Soon, tu le sais.

— Où est Lya ? demande le prince.

Les deux membres de la capucine ne répondent pas.

— Soon l'a amené, elle saura se débrouiller, dis-je au prince. Soon ne lui fera jamais rien.

Kuryn et Byo ne me contredisent pas, je suis certain que Kuryn n'aurait pas pu s'en empêcher si je m'étais trompé, les secrets et lui ne font pas bon ménage. Le prince furieux de mon comportement reporte son attention sur moi.