C'est dans ces moments-là que papa me manque le plus : Le matin. Maintenant que je suis au lycée, et que je pars donc plus tard – Simon a le permis et l'établissement n'est pas très loin – mon père est déjà au travail, je ne le vois donc qu'en rentrant le soir. C'est assez problématique parce que c'est justement Simon qui me conduit à l'école, et, aussi étrange que cela puisse paraître, celui-ci passe au moins une heure dans la salle de bain. Moi qui pensais que les hommes ne mettaient que dix secondes top chrono... C'est faux. Je me retrouve donc, presque tous les matins, à tambouriner à la porte et à lui hurler des insultes pour essayer de le faire sortir.
— Joy, si tu détruis cette porte, mon père va devenir fou, et il va encore m'accuser ! crie-t-il pour couvrir ma voix.
Simon, mon... frère n'a jamais réussi à dire « papa » lorsqu'il en parle avec moi, et cela ne m'a jamais vexé. Après tout, il était là avant moi, et il avait pris l'habitude de dire « mon père » avant qu'il ne devienne le mien également.
Je n'ai jamais pris cela pour une forme de possessivité ou de jalousie cachée non plus. Non, Simon n'est pas comme ça. Et pour preuve ; il n'a jamais tiqué lorsque j'appelle moi-même les parents « maman » et « papa » (alors même que j'ai commencé à les appeler ainsi avant qu'ils ne m'adoptent), et il n'a jamais rien dit. C'est comme si c'était normal, comme si j'avais toujours été sa sœur.
— Je m'en fous, ça m'arrangerait bien ! Tu es une vraie princesse Simon, t'es plus long que moi !
— Je me dois d'entretenir ma beauté.
— Ton humour de merde ne me fait pas rire, dis-je tout de même avec le sourire. Allez, s'te plaît dépêche-toi, on va être en retard ! Et encore une fois, papa dira que c'est de ta faute, tu l'auras bien mérité !
La porte s'ouvre alors sur...un torse. Je lève la tête, et le sourire de Simon me fait vite oublier qu'il m'a déjà agacée toute la matinée. Ses boucles noires dégoulinent et quelques gouttes viennent mouiller mon visage.
— Grouille-toi, il te reste 20 minutes sœurette, me charrie-t-il, haussant les sourcils plusieurs fois.
Petit con !
— Ne m'appelle pas « sœurette », je te l'ai déjà dit cent mille fois, je déteste ça ! dis-je en le bousculant pour entrer.
— Ok, sœurette.
Je pousse un énième grognement – oui, le matin je suis un vrai ours grognon – et claque la porte.
J'entre dans la voiture pendant qu'il ferme la porte d'entrée à clef. Il s'assied à son tour quelques secondes plus tard avant de mettre en route le moteur.
— Tu commences par quoi ? me demande-t-il, une fois sur la route.
— Littérature. Et toi ?
— Maths. Mais ça va, ce n'est pas aussi chiant que ça devrait l'être, Séléna est assise à côté de moi.
Sans que je ne puisse me l'expliquer, ce prénom m'irrite. Séléna est adorable, elle est douce et discrète, à tel point que personne ne peut la détester.
Pas même moi, qui pourtant ne supporte pas de la savoir aussi proche et complice de Simon. C'est un sentiment étrange, de détester quelqu'un, sans vraiment le détester, et il est frustrant de ne pas réussir à mettre de mots sur ce que je ressens à son égard. Je la connais depuis le collège, lorsqu'elle est sortie avec Simon, mais je ne lui ai jamais vraiment parlé, et je suis sûre qu'elle voit que je ne l'apprécie pas tellement.
— Je ne vois vraiment pas ce que tu as contre elle, Joy, souffle mon frère adoptif, voyant ma mine renfrognée malgré moi.
— On a déjà eu cette conversation, tu sais très bien que je ne le sais pas non plus, mais c'est comme ça, c'est tout.

VOUS LISEZ
Et plus encore
RomanceLa famille d'accueil de Joy l'a adoptée quand elle était encore enfant, elle a donc grandi avec le fils de ses parents adoptifs. Ils devraient se considérer comme frère et sœur, pourtant Joy développe des sentiments tout sauf fraternels envers Simon...