L'après-midi passe sans encombre, et je continue d'éviter un maximum Simon.
C'est tout de même plutôt étrange, cette nouvelle vie à trois. Moi qui m'étais habituée à Eli, à notre routine simple et réconfortante, j'ai l'impression de revenir deux ans plus tôt, avec le cœur qui se met à battre sans arrêt dès que je suis trop proche de Simon, nos regards qui se croisent puis qui s'évitent...
Ce n'est pas la seule chose qui est « étrange » depuis quelques temps : Depuis quelques mois...neuf, je dirais, Eli se comporte d'une façon étonnante. Il est toujours le même, bien-sûr, mais...je sens qu'il y a quelque chose qu'il ne me dit pas. Ce qui m'a immédiatement mis la puce à l'oreille, ce sont ses sorties : il lui arrive souvent, en pleine soirée ou même parfois en journée les week-ends, de partir plusieurs heures. Il s'arrange toujours pour rentrer avant que je n'aille me coucher, mais j'ai le sentiment que s'il pouvait, il découcherait, et qu'il ne revient que pour ne pas me laisser seule la nuit. A chaque fois que je lui demande où il va (même si j'essaie de lui laisser son intimité, la curiosité est trop forte), il me bredouille des excuses bidons du genre « je vais voir un pote de la fac » « je vais marcher, j'ai besoin de prendre un peu l'air » ou « je vais voir ma mère ». Je sais que c'est faux puisque quand il fait ces choses-là, je n'ai même pas besoin de lui demander où il part, il me le dit de lui-même.
On dirait presque...qu'il a honte, de l'activité qu'il fait en dehors de chez nous. J'ai essayé de réfléchir à ce qui pourrait bien le pousser à se « cacher » de faire quelque chose, mais je ne trouve pas. Je n'ose pas lui demander non plus, puisque s'il ne me dit rien, c'est qu'il ne veut pas m'en parler pour une raison ou une autre. Alors j'attends. Je sais qu'il finira par s'ouvrir à moi, je ne sais juste pas quand.
J'ai même l'impression que ses petites sorties secrètes se font de plus en plus depuis que Simon est revenu, et justement en parlant du loup : je vois Eli sourire devant son écran de téléphone, se lever du canapé et nous dire :
— Je vous laisse, j'en ai pas pour trop longtemps.
Je lève les sourcils, avant de répondre :
— Tu vas voir ta mère ?
— Ouais...c'est ça, dit-il en fuyant mon regard et en mettant ses chaussures.
Ok, il ment clairement, et cette fois-ci, je peux en être totalement certaine : Sa mère m'a parlé par SMS ce matin, demandant de mes nouvelles, et au milieu de la conversation, elle m'a dit qu'elle travaillait tard ce soir. Elle bosse dans un bar où elle commence à 18 heures, et finit en début de nuit. Il est actuellement 19 heures, elle est donc déjà en service, et Eli ne va jamais la voir sur son lieu de travail...il cache véritablement quelque chose, je n'ai pas halluciné.
Comme toujours lorsqu'on se retrouve seuls dans la même pièce, une tension bizarre apparaît entre Simon et moi, et je déteste ça. Il a l'air de sentir cette atmosphère autant que moi puisqu'il lève les yeux de son livre et les pose sur moi. J'ai l'impression de m'enfoncer lourdement dans le canapé sous son regard perçant, regard qu'il me lance depuis la chaise sur laquelle il est assis près de la table. J'aurais pu tourner ma tête vers la télé devant moi, mais je n'y arrive pas : je reste dirigée vers le brun, les yeux plantés dans le vert des siens, qui ne se sont pas détournés non plus.
Encore une fois, j'ai l'impression de retourner quelques années auparavant : nos regards ne se quittent pas une seconde, mais nos lèvres restent scellées. Je ne sais même pas pourquoi je continue à le regarder comme ça, comme si j'étais capable de lire en lui ou comme s'il pouvait comprendre ce que je ressens au fond de moi. Ce vert...merde, ça m'avait manqué. Soudain, sa bouche se retrousse en un sourire, mais pas n'importe quel sourire ; le nouveau sourire, celui qu'il a principalement depuis qu'il est revenu, celui en coin qui veut dire « je sais à quoi tu penses » et qui a le don de me mettre en rogne. Lentement, il pose son marque page au creux de son livre qu'il laisse sur la table, avant de se lever, toujours en me fixant. Mon cœur prend un rythme infernal, et je tourne vivement la tête vers la télé pour essayer de ne pas me laisser déstabiliser par cet abruti.

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عاطفيةLa famille d'accueil de Joy l'a adoptée quand elle était encore enfant, elle a donc grandi avec le fils de ses parents adoptifs. Ils devraient se considérer comme frère et sœur, pourtant Joy développe des sentiments tout sauf fraternels envers Simon...