Ce que je ressens est si étrange que je ne trouve pas vraiment les mots pour décrire tout cet amas de sensations qui se battent en moi. J'ai l'horrible impression d'avoir été une millionnaire ayant touché du bout des doigts tout son argent, avant de le jeter par la fenêtre pour devenir une sans-abris, ou encore d'être celle qui me suis mise une corde autour du cou. Ouais, c'est plutôt ça ; je viens d'accepter, de provoquer même mon propre malheur. Je sais désormais que Simon est amoureux de moi, je sais qu'il a envie d'être avec moi autant que j'en ai envie. Et ça me tue. Il a raison, moi qui pensais qu'aimer quelqu'un qui ne nous aime pas en retour était horrible, j'avais tort : le plus dur, c'est d'aimer quelqu'un qui nous aime aussi, sans pouvoir être avec lui. Vivre avec Simon, voir son amour dans son regard, sentir cette alchimie, cette attraction entre nos deux corps à chaque fois que l'on sera dans la même pièce...je ne sais pas comment nous allons réussir à surmonter ça.
Sérieusement, comment c'est possible ? Comment j'allais bien pouvoir résister à l'embrasser, maintenant que j'y avais goûté, et que je sais qu'il ne me repousserait pas ? Parce que oui, ça aussi, ce sera compliqué : ne pas embrasser l'autre alors qu'on sait qu'il meurt d'envie de le faire aussi. Je n'ose même pas imaginer ce que Simon a bien pu endurer tout ce temps, en plus de toujours rester vigilant, de penser que son amour n'était pas réciproque, il devait aussi vivre avec sa culpabilité. Je le connais par cœur, et je sais qu'à chaque fois qu'il a dû vouloir m'embrasser, il a dû se sentir dégoûté de lui-même et de ses sentiments...
Je sais que l'on devra s'obliger à « s'éloigner », on devra principalement éviter de dormir ensemble, éviter de s'approcher trop près du corps de l'autre, éviter de se regarder trop longtemps, de parler de nos sentiments...et quelque part, ça me frustre. Notre relation va forcément changer, si nous ne faisons plus toutes ces choses qui la rendait spéciale.
Ça fait donc plus d'une heure que je cogite, et déprime seule dans le bain qui commence à refroidir sérieusement. Mon téléphone posé sur le meuble derrière moi se met à vibrer, j'essuie donc en vitesse mes mains à l'aide d'une serviette posée à côté de celui-ci, avant de m'en emparer :
— Allô ?
— Joy, tu m'inquiètes !!! c'était quoi de ce message ? crie Laura, apparemment mécontente.
Effectivement, je lui ai envoyé peu de temps après la discussion entre Simon et moi, un SMS peu joyeux : « j'en ai ma claque de cette vie. »
Je me sentais si mal, si énervée que je n'avais pas réfléchi avant de l'envoyer. J'avais besoin de me confier, et je ne pouvais le faire qu'à Laura pour l'instant.
— Je devais évacuer ma frustration, je souffle.
— Qu'est-ce qu'il se passe ma poupée... ?
— C'est...tu sais...Simon...je commence, les larmes me montant de nouveau aux yeux. Je pense qu'Eli a dû t'en parler, mais le 31...
— Je sais, vous vous êtes embrassés. Je vous ai vus. Eli ne m'a rien dit, tu le connais, il garde les secrets des autres plus que les siens. J'attendais que tu m'en parles, et voyant que vous agissiez comme si de rien n'était, je me doutais que tu n'étais pas prête et que quelque chose n'allait pas vraiment. D'ailleurs, quand tu n'as pas répondu à mes appels pendant deux jours, j'ai demandé à Simon ce que tu avais... Il m'avait juste répondu que c'était un truc entre vous, donc j'ai compris, encore une fois, que quelque chose s'était passé.
— Tu m'en veux ? je demande, me sentant coupable de ne lui avoir rien raconté de tout ça.
— Bien-sûr que non, je savais que tu finirais par tout me dire, et tu as l'air prête à le faire aujourd'hui, donc je t'écoute baby !
VOUS LISEZ
Et plus encore
RomansLa famille d'accueil de Joy l'a adoptée quand elle était encore enfant, elle a donc grandi avec le fils de ses parents adoptifs. Ils devraient se considérer comme frère et sœur, pourtant Joy développe des sentiments tout sauf fraternels envers Simon...