Chapitre 19

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Lorsque j'arrive au Jake's, Séléna est déjà là. Elle m'invite de la main à m'installer face à elle, avec un grand sourire, que je ne parviens pas à ne pas lui rendre. Elle est typiquement le genre de fille avec qui je m'entendrais, si je n'étais pas aussi jalouse et...toxique.

— J'ai commandé deux milkshakes à la fraise, j'espère que tu aimes.

Bordel, la détester est vraiment difficile, cette fille est aussi gentille et douce que Paul. Je me sens comme la pire des merdes, vraiment.

— Oui, ça me va...merci.

— Bien, il est inutile de passer par quatre chemins...Je voulais te parler de...de Simon, bien-sûr, mais également de moi.

Je me doutais que la conversation tournait autour de Simon, mais d'elle ? Pourquoi parlerions-nous d'elle ?

Elle se met à tousser, un peu trop fort et trop longtemps pour que cela me paraisse normal, mais je ne fais aucun commentaire. Après tout, Simon m'a bien parlé d'une absence aux cours, elle a peut-être la grippe ou quelque chose dans le genre.

— Par où commencer...chuchote-t-elle pour elle-même. Bien. Je pense avoir compris que...tu es amoureuse de Simon ?

— Euh...c'est lui qui t'as dit ça ? je demande, embarrassée.

— Non, mais je ne suis pas aveugle, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, sourit-elle tristement.

Pourquoi paraît-elle si triste ?

— Je ne suis pas là pour te mettre en colère ou quoi que ce soit, Joy, mais j'imagine que tu as également connaissance de mes sentiments à l'égard de celui-ci ?

— Oui, (je soupire) il m'en a vaguement parlé...

— Eh bien, je veux que tu saches que...je ne t'en veux pas, et je ne te vois absolument pas comme une rivale, je ne chercherai jamais à me mettre en travers de votre chemin. Mais...Simon se prive régulièrement de me parler, il me dit que non mais je vois bien qu'il est distant, et lorsqu'un jour je lui ai demandé quel était le problème, il m'a avoué qu'à chaque fois que nous nous voyions, tu n'étais pas très contente, que ça provoquait pas mal de disputes entre vous deux. Lui, il ne comprenait pas pourquoi, en revanche, moi, j'ai su tout de suite que tu devais certainement être jalouse. Je voudrais juste, s'il te plait, que tu acceptes notre relation, amicale, je précise. Je...Je l'aime, et j'imagine que tu sais ce que cela fait...

Elle s'arrête de parler pendant que le serveur dépose nos verres sur la table, puis reprend :

— Je disais donc, que toi, par-dessus tout, dois comprendre ce que je ressens. Il m'a déjà avancé son refus d'aller plus loin avec moi, il m'a bel et bien fait comprendre qu'il ne m'aimait pas, du moins pas de façon romantique. Encore une fois, je pense être en mesure de dire que tu dois savoir la douleur avec laquelle je vis, depuis son aveu. Tu sembles quelques peu...déprimée.

— Tu es très perspicace. Comment peux-tu savoir que c'est à cause de lui que je le suis ? dis-je, un demi sourire sur les lèvres.

— L'intuition, je suppose. Et aussi, parce que si vous étiez ensemble, je le saurais, et que tu n'aurais pas l'air d'avoir si peu dormi. Revenons-en à nos moutons...J'ai tout de même accepté cette douleur, de toute façon, on ne peut forcer autrui à nous aimer, n'est-ce pas ?

Elle n'attend aucune réponse, et boit quelques gorgées de sa boisson. Mon cerveau tourne à mille à l'heure ; où veut-elle en venir ? Pourquoi me dire tout ça ? Et puis, je ne suis plus si sûre de vouloir la détester, elle me semble si...sereine et...maternelle ? Elle me fait presque penser à Tania. Je m'en veux d'avoir pu penser et dire du mal d'elle toutes ces fois. Je ne me suis jamais mise à sa place finalement, parce que j'ai toujours cru qu'elle avait la meilleure place de nous deux. J'étais persuadée que Simon l'aimait, après tout elle avait déjà été en couple avec lui, c'était elle la plus chanceuse de nous deux, j'avais donc toutes les raisons d'être jalouse. Mais de la voir si résignée, si compréhensive et gentille, me fait réaliser à quel point j'ai pu me tromper. Je n'aurais jamais dû écouter ma jalousie, parce que la plus chanceuse, ça a toujours été moi. C'est moi qui ai la chance de vivre vingt quatre heures sur vingt quatre avec Simon, c'est moi qui peux le serrer dans mes bras et le regarder jouer du piano...je le connais par cœur et j'ai vécu tous mes meilleurs instants avec lui. Bordel, je suis vraiment conne, il faut qu'elle me parle pour que j'ouvre enfin les yeux, c'est dingue d'être aussi débile.

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