Et plus encore

Chapitre 36

Simon est rentré depuis un mois aujourd'hui. Depuis notre...incident, nous nous évitons. Je n'ai pas dû lui adresser deux mots de tout ce temps, au grand dam d'Eli. Il ne cesse de me forcer à écouter ce que Simon a à me dire sur ses deux années loin de nous, mais je continue à refuser. Pour être tout à fait honnête, je crois que ce qui me fait véritablement peur, c'est la vérité. J'ai peur que la ou les raisons de son absence soient finalement valables, et que ça me pousse à lui pardonner. C'est ça, le fond du problème : j'ai peur de lui pardonner.

Parce que si je lui pardonne, on redeviendra forcément...quelque chose. Peut-être qu'on ne se remettra pas en couple pour autant, mais on redeviendra au moins des amis, c'est une certitude. Et ça me fait bien trop flipper, parce que ça voudrait dire m'attacher à nouveau (bien que je pense que mon amour pour lui ne partira jamais), recommencer une vie « normale », et risquer une fois de plus de le perdre. La situation actuelle me permet une chose ; c'est de ne pas le perdre. On ne perd pas ce que nous n'avons pas. Alors, si demain il disparaît comme cette nuit cauchemardesque il y a deux ans, ce ne sera pas grave. J'y suis préparée, ça ne me fera pas mal, parce que nous ne sommes plus rien l'un pour l'autre. Le Simon que j'aime encore m'a abandonnée alors que je l'avais supplié de ne pas le faire, j'avais senti que quelque chose n'allait pas : je crois que...mon corps savait, que c'était la dernière fois que je le verrais (avant un long moment, en tout cas). Il m'avait quittée sur un « je t'aime », auquel j'avais profondément cru, que je n'aurais jamais remis en doute parce que je n'ai jamais eu confiance en personne comme j'avais confiance en lui à l'époque. Belle erreur.

Je sors d'une douche brûlante, destinée à détendre mes muscles endoloris par la course à pied que je suis allée faire ce matin. Je m'apprête à allumer le sèche-cheveux, lorsque j'entends la voix d'Eli s'élever légèrement, dehors. Il y a une fenêtre dans la salle de bains qui mène directement à notre jardin, et je l'ai entrouverte afin de diminuer la buée qui stagnait dans la pièce. Je repose donc l'appareil sur le meuble et m'avance près de la vitre, pour mieux entendre, parce que ça m'intrigue de voir qu'Eli est peut-être en train de se disputer avec Simon.

— Non, tu ne comprends pas ! tu ne peux même pas t'imaginer, par quoi on est passé ! je ne t'en veux pas, sérieux, je sais que tu avais tes raisons, je sais que t'en as bavé mec, mais il faut que tu sois patient. Et puis tu me soules avec ta jalousie mal placée ! je n'arrête pas de te dire qu'il ne s'est rien passé entre nous, pourquoi tu refuses de me croire ? On dort ensemble, oui, et alors ! tu veux que je passe mes nuits dans le canapé ? Parce qu'elle n'acceptera jamais qu'on échange nos places, si c'est ce que tu souhaites, et tu le sais.

— Il ne s'est rien passé, à part la fois où vous avez pratiquement couché ensemble, grince la voix de Simon qui semble visiblement énervé par ce souvenir.

Eli a donc craché le morceau, et ça ne m'étonne pas. Mais dans ce cas, qu'il ne s'étonne pas si Simon s'obstine à penser qu'il se passe un truc entre son meilleur ami et moi...

— Je me suis excusé plus de fois que je n'ai pris de cuites, alors arrête de me le reprocher. De toute façon...tu sais ce qui m'a aussi « poussé » à agir comme ça ce soir-là.

Est-ce qu'il fait allusion à Laura ? Il m'a embrassé, parce qu'il était perdu sur ses sentiments pour elle, parce qu'elle lui manquait, non ? pour quoi d'autre, sinon ?

Je n'entends plus rien pendant quelques secondes, avant que Simon ne reprenne :

— Elle...elle a réagi comment ? ...tu sais, ce jour-là.

Je pense au début qu'il fait toujours référence à la soirée où Eli et moi avons failli commettre l'irréparable, mais réalise que ce n'est pas de ça dont il parle, lorsque le coréen lui répond.