Pélagie se plante devant lui avec un air farouche et croise les bras sur sa poitrine. Elle sent alors l'humidité désagréable du corsage lui chauffer les avant-bras, mais elle tient la position.
— Qu'est-ce-que-vous-foutez-ici ? dit-elle avec colère utilisant à dessein un langage vulgaire.
— Je trouvais un peu cavalier de ne pas m'être présenté. Alors je suis venu aux urgences dans l'espoir de corriger cette bévue.
— Cette bévue ? Vous êtes quoi ? Un psychopathe ? Un harceleur ? Un pervers narcissique ? Et au cas où vous seriez assureur, ne le prenez pas mal, mais vous pouvez toujours courir pour que je paye quoi que ce soit à ce connard...
L'homme s'esclaffe l'œil interrogateur concernant la dernière répartie de la jeune femme. Qu'est-ce que cette furie aux yeux d'argent a bien pu imaginer pour en arriver à la possibilité qu'il la poursuive pour récupérer de l'argent ? Il se lève pour éclaircir la situation... Mais est-elle si claire pour lui ?
***
Bon, ok, il est grand. 1m80. 1m85... minimum. Mais elle aussi. 1m70 sans les talons, alors avec ses sandales télescopiques... Elle peut le regarder dans les yeux sans trop pencher la tête. Bon sang, ce regard... pas commun. Ce que Pélagie ignore, c'est qu'il pense comme elle. Parce que son regard à elle, est aussi très particulier. Bref, ils entament un duel de regard que Pélagie n'a pas l'intention de perdre. Elle est trop forte à ce jeu-là. Comme au jeu de la barbichette. Elle est capable de rester imperturbable pendant des heures.
Et puis, brusquement, allez savoir pourquoi, l'image de Thècle se superpose à celle de l'inconnu. Peut-être parce qu'enfant, elle aimait jouer à ce genre de jeu idiot avec lui. Elle n'a pas vu son presque frère depuis deux ans. Depuis qu'il est parti vivre son rêve en Amérique du sud. Ça fait quelques mois qu'il n'a pas donné de nouvelles, mais il l'avait prévenue. Il voulait faire la Cordillère des Andes, s'immerger totalement, se sentir libre... et patati et patata. Pélagie n'a pas tout compris. Elle est loin du trip de Thècle, mais elle le respecte. Alors, elle ne dit rien. Elle s'inquiète en silence. Elle attend des nouvelles.
— Je vous ai perdue, je crois ?
— Pardon.
— Vous avez triché, dit-il avant de continuer en voyant le regard interrogateur de la jeune femme. Au duel. Vous avez triché. Vous vous êtes évadée par l'esprit. Ça n'est pas du jeu.
— Vous savez que vous êtes bizarre, n'est-ce pas ?
— C'est peu de le dire, mais je ne suis pas le seul, non ?
— Moi, je suis parfaitement normale.
— C'est sûr que dévaster l'intérieur d'une maison avec une batte de baseball, ça témoigne d'une parfaite normalité...
Du coin de l'œil, Pélagie voit Clotilde sortir de la salle de soin avec l'interne. Elle décide qu'il est temps de mettre un terme à ce semblant de conversation absurde. Elle est frigorifiée. Elle veut rentrer et enfiler le plus gros pull que contient sa garde-robe.
— Bon. Vous vouliez vous présenter. Alors ? C'est quoi votre nom ?
— Faust.
Pélagie le fixe, éberluée une demi-seconde, avant d'éclater d'un rire sonore. Elle trouve ça tellement drôle qu'elle se tient les côtes. L'infirmière de garde lève un sourcil, tandis que l'interne et Clotilde, se tournent vers elle, eux aussi étonnés de cet éclat.
— Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.
— Vraiment ? C'est sûr que vos parents devaient être de sacrés farceurs pourtant ! Ah, putain ! Faust ! Non, mais c'est une blague ! C'est pas votre vrai nom, hein ?!
— Si. À vous, Mademoiselle la moqueuse.
— Hé ! Je n'ai jamais dit que j'allais me présenter.
— Encore de la triche.
— Fallait énoncer les règles avant de jouer, réplique Pélagie qui sourit en se dirigeant vers son amie.
En trois enjambées, il la dépasse et présente sa main à Clotilde en souriant.
— Mademoiselle, je me permets de me présenter, Faust Wagner-Smith.
— Clotilde Masherbrum, et mon amie, c'est Pélagie Cervin, mais elle vous l'a sans doute déjà dit.
Bien que contrariée du procédé, Pélagie ne peut s'empêcher de ricaner en entendant le nom de famille de ce monsieur Faust.
— De mieux en mieux, ne peut-elle s'empêcher de dire. Ils avaient vraiment de l'humour vos géniteurs, y'a pas à dire... Et on se demande qui est le tricheur... avec un nom pareil...
— Vous pouvez parler, Mademoiselle Pélagie Cervin. Savez-vous seulement qui était cette Sainte ?
— Justement oui. Une ancienne prostituée qui finit par mourir déguisée en homme pour être pénard... ça me va bien, lance-t-elle en tournant les talons en entraînant Clotilde à sa suite.
Faust est cette fois bien surpris que la jeune femme connaisse la vie de cette sainte oubliée. Ça lui donne envie de creuser encore plus. Et il sourit. Encore l'effet Pélagie.
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Pélagie aussi !
ChickLitPélagie est une fille énergique et protectrice. Très protectrice ! Surtout quand il s'agit de sa meilleure amie pour la vie, Clothilde. Alors quand Clo se trouve en danger à cause de son cœur d'artichaut, elle n'hésite pas une seconde. Elle fonce ! ...