52 / Si loin, si proche

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Faust passe son dimanche blanc et glacial à promener Hercule qui ne croit pas à sa chance, même si l'itinéraire est toujours le même : direction Jardins Vauban. Son maître surveille les fenêtres de l'appartement de Pélagie Cervin. Il espère l'apercevoir. Il a très envie d'aller sonner, mais se retient. Il doit la laisser respirer. Manifestement, les révélations de la directrice de l'Institut sont suffisamment bouleversantes pour imposer un temps de latence à la jeune femme. Il doit lui laisser du temps. Et ce, même s'il a très envie de l'embrasser et de la serrer dans ses bras.

Il finit par abandonner la partie et se plonge dans son boulot. Il appelle ses boss et conclut le rapport détaillé qu'il a déjà envoyé. Une ardente discussion s'engage alors, et il comprend que son temps ici est sur le point de s'achever. Il ferme la porte entrouverte en lui. Il n'était pas venu pour ça de toute façon.

***

Lorsque Pélagie arrive à l'agence le lundi matin suivant, elle sent immédiatement qu'une catastrophe est arrivée. Ça n'est pas le manque d'animation, bien au contraire. Personne n'est dans son bureau. Tout le monde semble s'être donné rendez-vous dans les couloirs. Ça discute et ça s'énerve. Ça s'inquiète aussi. Les gueules d'enterrement pullulent. Elle n'a que l'embarras du choix en ce qui concerne les signes du désastre en cours.

« Pourquoi, suis-je toujours la dernière au courant ? » se demande-t-elle aussitôt. Ah ! Oui ! Parce qu'elle arrive toujours la dernière... mais elle finit toujours la dernière aussi ! Soudain une main l'agrippe et la tire vers un bureau vide. Solène et Jérémie.

— Pélagie ! Tu arrives à pic ! C'est la débâcle !

— Qu'est-ce qui se passe encore ?

— Les américains font le siège téléphonique de l'agence. Ils ont envoyé une offre. Depuis, Grimaud a disparu, et Charbonnel a l'air d'avoir la gastro.

« Tu m'étonnes » pense Pélagie.

La jeune femme se doute de ce qui s'est passé. Elle est juste étonnée que Faust n'ait pas attendu le lundi pour lancer sa bombe aux States. Ça lui aurait laissé le temps de s'organiser côté boulot. Pour canaliser les esprits et les énergies. Là, c'est effectivement la débandade.

— Où sont les stagiaires ?

— Les filles sont reparties, et Wagner-Smith n'est même pas venu. Elles ont dû le prévenir avant qu'il ne débarque et il ne s'est pas donné la peine de monter nous voir, dit Solène avec un petit air déçu.

Faust était son poulain. Elle l'aimait bien. Même si elle n'en aurait jamais fait son casse-croûte parce qu'elle, elle préfère Pélagie côté cœur... même si cette dernière n'en sait rien, évidemment.

Comme Pélagie n'a pas parlé à Faust depuis qu'elle a mis un pied dans le bureau de Mère Marie-Hortense, elle ne peut pas lui reprocher d'avoir agi comme il l'a fait. C'est un peu cavalier, mais qui est-elle pour critiquer ? Elle ne peut donc pas lui jeter la pierre. Il a aussi sa vie.

Et puis quoi ? Ils ont échangé quoi ? Trois baisers ? C'est rien... vraiment, rien du tout. Rien de rien.

— Mlle Cervin ?!

Le visage d'Antoine Charbonnel apparaît au coin de la porte.

— Je voudrais voir tous les chefs de projet en salle de réunion.

— Je vous suis, monsieur Charbonnel.

Allons voir à quelle sauce l'agence va être mangée...


Pélagie aussi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant