Pélagie n'a rien dit en sortant du bureau, la boite sous le bras. Elle n'a rien dit en montant en voiture. N'a rien dit en arrivant chez elle. Pas plus qu'en refermant la porte de l'appartement devant Faust, le laissant seul sur le palier. La jeune femme n'ouvre pas la bouche quand elle pose la boite sur la table basse du salon et qu'elle s'assoit devant.
C'est de voir cette boite, précieuse à plus d'un titre, posée là, sur un meuble familier, environnée de magazines féminins où le futile côtoie le grave, qui fait enfin revenir Pélagie à la réalité du moment.
— Mais putain ! C'est pas juste ! C'est pas juste ! Tu entends, vieux schnock ? Moi, je voulais une famille ! Je voulais voir la fierté ou la honte dans tes yeux ! Je voulais que tu me parles d'elle ! De ton amour pour elle ! De ta tristesse ! Je voulais partager mon cœur ! Pleurer et rire ! Je voulais ... Merde ! Pourquoi m'en priver ? Cette autre famille, je l'aurais affrontée ! On n'est plus au 19ème siècle ! Les bâtards ont droit de cité ! Bordel ! Et maintenant, t'es mort ! Et je ne peux même pas t'en vouloir ! C'est dégueulasse !
Pélagie a sorti tout cela d'une traite. Dans un même souffle. Debout face à l'unique vestige de ce qui fut sa famille. Elle se rassoit vaincue. Elle fixe la boite jusqu'à ne plus pouvoir. Alors elle l'ouvre et en sort l'unique cliché qu'il contient.
C'est une photo du couple que formait Robert et Gabrielle. On voit qu'il est plus âgé qu'elle, mais peu importe, car leur bonheur rayonne à travers les couleurs fanées du papier glacé.
— Tu as bien choisi. Elle était canon, Gabrielle. Mais c'est de tes yeux à toi, dont j'ai hérité, papa. Tes yeux dans son visage... Bon sang ! Ce que je vous aurais aimés... Putain !
Maintenant, Pélagie sait exactement ce que ressent Clo quand elle pense à sa famille disparue. Ça n'est pas un chagrin triste. C'est un chagrin déçu. Des regrets infinis.
La jeune femme prend son téléphone et envoie le visage de sa mère à son amie. Juste Gabrielle. Pas Robert. Robert doit rester un secret. Parce que même si elle enrage de la décision qu'il a prise, elle comprend parfaitement la nécessité qui l'y a poussé. Il voulait la protéger. Veiller sur elle. En cela, il s'est comporté en vrai père.
Elle sourit en voyant que Clotilde l'appelle aussitôt.
— C'est qui je crois ?
— Oui.
— Tu lui ressembles trop ! Comment elle s'appelle ?
— Elle s'appelait Gabrielle.
— Ah ! Elle est morte...
— Oui. À ma naissance.
— Mais ! Mais alors, c'est pas elle qui...
— Non. Mon père.
— Waouh ! Attend ! Il est vivant alors ! Tu vas pouvoir le rencontrer ? C'est tellement super, Pélie !
— Calme tes ardeurs, jeune padawan. Il est mort hier.
Gros silence au bout du fil.
— Putain ! Mais c'est pas juste !
Pélagie sait exactement pourquoi elle aime autant Clotilde Masherbrum. Parce qu'elles sont faites de deux moules distincts, mais parfaitement compatibles. Toutefois, la petite blonde n'est pas au bout de ses surprises et de ses révoltes. Parce que sous la photo dans la boite, il y a le carnet qui contient la confession de Robert Verteuil, et deux liasses de documents soigneusement pliés et parfaitement ordonnés.
Des documents officiels qui font de Pélagie Cervin, l'heureuse propriétaire de l'immeuble dans lequel elle loge, d'une boutique dans le vieux Lille et d'une petite fortune en liquidité, déposée sur un compte en Suisse. Depuis le début, elle se payait son propre loyer...
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Pélagie aussi !
ChickLitPélagie est une fille énergique et protectrice. Très protectrice ! Surtout quand il s'agit de sa meilleure amie pour la vie, Clothilde. Alors quand Clo se trouve en danger à cause de son cœur d'artichaut, elle n'hésite pas une seconde. Elle fonce ! ...