32 / « Liar » cake

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— C'est vraiment bizarre, murmure Clotilde debout près de Pélagie devant l'une des fenêtres de l'appartement.

Elles fixent la voiture garée en contrebas que la neige recouvre lentement.

— Ah ! Tu es d'accord !? C'est vraiment bizarre ! Pourquoi ton ex ferait ça ? À part sous la contrainte, je veux dire ?

— Il ne le ferait pas, même sous la contrainte...

— Ah, bon ?

— Il n'en a pas les moyens... sa platine, c'était le seul truc de valeur qu'il avait... alors, une voiture neuve !

— Peut-être qu'il a une famille friquée ?

— Pas que je sache.

— En même temps, vous êtes restés quoi ? Trois mois ensemble ?

— Cinq. Cinq mois. Mais t'as raison, j'ai jamais vu sa famille. Il n'en parlait jamais. J'ai cru que c'était peut-être parce qu'il évitait le sujet à cause de mes origines. Genre, pour épargner ma sensibilité.

— C'était peut-être pour une autre raison... le rebelle de la famille qui vit de sa musique, mais qui appelle papa à la rescousse quand ça commence à fumer sévère.

— Tu crois ?

— J'ai pas d'autre explication.

— Moi non plus... mais c'est vraiment bizarre...

— En attendant, je vais l'appeler comment ?

— Tu es vraiment obligée de lui trouver un... Clotilde s'est arrêtée sur un détail qui la chiffonne vraiment depuis le début, mais sur lequel elle ne parvenait pas à mettre le doigt.

— Clo ? Finir les phrases, c'est bien, tu sais.

— Comment il a-t-il su pour « Starky et Hutch » ?

Pélagie la fixe soudain avec une acuité dont elle n'est pas coutumière. Elle avait oublié ce détail. Un détail pourtant essentiel en cet instant.

— Tu ne lui as jamais dit ?

— Non. Pourquoi j'aurais été lui raconter un truc pareil ? D'ailleurs, je ne lui ai jamais dit grand-chose de l'Institut. Ça ne l'intéressait pas.

— Ça, ça m'étonne à moitié. À part ton cul, il n'y avait pas grand-chose qui l'intéressait, non ?

— Là, n'est pas la question. Cette voiture ne peut pas venir de tocard. Il n'avait ni les moyens, ni la connaissance nécessaire. Donc...

— Qui me l'offre aussi généreusement ?

Les deux jeunes femmes se remettent à fixer l'objet du délit en silence.

***

— Elle ne se doute de rien ?

— De rien, monsieur.

— Et le nuisible a été neutralisé ?

— Oui. M. Dumoulin ne posera plus de problèmes.

— Bien. Je vous remercie, Maitre Solliver. Vous avez encore fait un excellent travail.

L'avocat prend congé et sort du bureau de l'Institut sans rien dire de plus. Il a accompli sa tâche comme son père autrefois pour ce client. Il ne se pose aucune question, n'en pose aucune non plus. Il est généreusement payé pour ça.

***

— Pourquoi ne pas lui dire ? Elle est assez âgée maintenant pour comprendre et garder le secret.

— Elle n'a pas besoin de moi dans sa vie.

— La preuve que si.

— Je ne lui dirai rien, et vous non plus, Mère Marie-Hortense.

— J'ai gardé le secret jusqu'à aujourd'hui, je ne vais rien dire maintenant, même si je pense que vous faites une erreur. Elle vous ressemble énormément. Et je ne parle pas seulement des yeux.

— Savoir ne lui apportera rien de bon. Ça pourrait même la mettre en danger.

— Je le sais. Mais... Non. Rien. Je continuerai à mentir pour vous. Pour toi.

— Merci, Marie. Ma contribution à l'Institut sera encore plus généreuse cette année.

— Tu sais que je ne fais pas ça pour l'argent, j'espère ? Parce que ça me vexerait horriblement que tu le crois !

L'homme se lève en souriant et plante son regard d'orage dans ceux bleu ciel de la directrice. Il aime bien Marie-Hortense. Elle a toujours été une amie fidèle. Fidèle et fiable. Un genre de personne qu'il n'a pas en très grande quantité autour de lui.

— Je le sais, Marie. Tu le fais pour Gabrielle. Nous le faisons pour Gabrielle.


Pélagie aussi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant