10 / Faust Wagner-Smith, encore !

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Une fois la porte refermée, Pélagie se fixe sur l'unique occupant de son bureau.

— Bien. J'ai deux questions pour vous, et vous avez intérêt à avoir les bonnes réponses : Qu'est-ce que vous foutez ici ? Comment avez-vous su que je travaillais dans cette agence de communication ?

— Vous n'avez pas peur des rumeurs ?

— Pardon ?

— Vous et moi, seuls dans ce bureau.

— Je répète mes questions ou vous y répondez ? Parce que si rien ne vient dans la minute, vous dégagez fissa. Dans ce laps de temps, personne ne pourra croire que vous avez pu me faire grimper au rideau.

— Hum, à voir... émet-il en souriant avant de reprendre son sérieux devant le regard glacé de Pélagie, Bon. Ok. Je viens faire un stage de reconversion. C'est une pure coïncidence.

— Vous voulez me faire croire que tout ceci est un hasard ?

— Tout ceci ?

— Votre présence dans cette entreprise, et surtout dans mon bureau.

— Totalement. Ma venue ici, enfin dans l'entreprise j'entends, est prévue depuis près de deux semaines. Vous n'avez qu'à aller voir au RH. Quant à votre bureau, je ne savais pas à quel chef de projet l'on m'assignerait... Le monde est petit.

« Ou les étoiles mal alignées. Définitivement », pense pour sa part Pélagie.

— Je n'ai vraiment pas assez dormi pour ces conneries, murmure la jeune femme en se pinçant le nez.

***

— Solène, tu peux me rendre service et me faire deux exemplaires du compte-rendu d'hier. Je viens de le finir. Il est sur l'espace partagé.

— Je m'en occupe, dit aussitôt Faust trop content de quitter la petite chaise à laquelle l'a assigné Solène pour qu'il puisse voir son travail.

Pélagie soupire, mais ne proteste pas. Elle se contente de se détourner pour rejoindre son bureau, le seul espace où elle peut échapper au regard de Faust Wagner-Smith. Elle a bien tenté de se défaire du stagiaire, mais son boss direct, Régis Grimaud, chef de projet senior et associé de l'autre boss, Antoine Charbonnel, n'a rien voulu entendre. Ils savent tous les deux qu'elle est l'un de leur meilleur élément, notamment en ce qui concerne le management d'équipe. Chez Compact Communication, personne ne se plaint jamais d'elle et, sous ses ordres, chacun travaille toujours au max de ses compétences. Ils ne sont pas fous.

Elle n'a pas insisté. Parce qu'insister, cela impliquait de justifier son aversion pour ce grand type sympathique au premier abord. Personne n'aurait compris, ni l'escapade nocturne, ni ce qu'elle avait fait chez tocard.

Quand Faust lui apporte les comptes-rendus avec un sourire sur le visage, elle l'accueille froidement.

— Cessez de sourire comme ça, M. Wagner-Smith ! Cette situation est déjà suffisamment déplaisante comme ça. Inutile d'en rajouter.

— Mon sourire est déplaisant ? Je le pensais aimable.

— Aimable ? Vous avez l'air d'un idiot. Personne ne sourit comme ça tout au long de la journée.

— Moi, si. Je suis content d'être là, je ne vais pas faire la gueule quand même ?

— Pourquoi êtes-vous là déjà ?

— Reconversion.

— Vous faisiez quoi avant ?

Faust ne répond pas immédiatement. Les yeux au plafond, il semble réfléchir. Le comble !

— Est-ce que vous êtes en train de chercher quoi répondre, là ? Non mais je rêve ! s'exclame Pélagie en se levant. Dégagez de mon bureau, j'ai assez perdu de temps avec vous...

— Il va bien falloir que nous travaillions ensemble, pourtant, dit-il en se levant.

— Rien ne m'y oblige. J'ai deux assistants très compétents.

— Mais ils ne font pas tout ce que vous faites.

— Vous en apprendrez bien plus avec eux.

— Pourquoi autant d'animosité envers moi ? Sommes-nous ennemis ? Ai-je fait quelque chose d'impardonnable ? Je vous jure que je ne suis pas l'ami de tocard ! Je suis entré dans la maison parce que je pensais sincèrement que la porte ouverte et le bruit qui me parvenait ne pouvaient être que le résultat d'un cambriolage ou d'une agression...

— Je ne vous déteste pas. Vous me mettez mal à l'aise. C'est tout.

— Mal à l'aise ?

— Dégagez ! J'ai du boulot, et Solène a besoin de vous.

Faust se lève avec l'air de quelqu'un qui cherche à comprendre un problème particulièrement complexe. Pélagie peut aussi faire cet effet-là.


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