58 / Rapprocher les cœurs esseulés

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L'artiste achève sa danse dans une cambrure et un souffle. Les applaudissements et les vivats s'élèvent, et Pélagie sourit.

— Cette soirée est une réussite, Mlle Cervin.

— Merci, M. Brémond. Je suis contente que vous soyez satisfait. Avez-vous réussi à discuter avec les personnes que vous cherchiez à approcher en début de soirée ?

— Oui... Dites-moi, Mlle Cervin, votre assistant ne viendra pas ce soir ?

— Mon assistant ? Mais mes assistants sont là. Solène est près des vestiaires, et Jérémie se tient près de la sortie de secours.

— Ah ! Non... Je parlais de l'autre assistant. Le grand brun avec un nom... un peu pompeux...

— Vous voulez parler de M. Wagner-Smith ? Il n'était là que temporairement. Il est reparti.

— Ah... Comme c'est dommage.

— Je sais. Il a fait forte impression à beaucoup de personnes autour de lui pendant qu'il était à l'agence.

— Vraiment ? Beaucoup de personnes. J'imagine féminines...

— Vous imaginez bien, M. Brémond.

Le ton de Pélagie n'a rien d'inamicale, mais rien de chaleureux non plus. Elle souhaiterait que cette conversation n'ait pas lieu. Elle souhaiterait que le client n'ait pas flashé sur Faust Wagner-Smith. Elle souhaiterait tant d'autres choses à son sujet. Mais elle est lucide. Il est reparti aux USA sans qu'elle ne lui ait reparlé. Et il n'a jamais cherché à la joindre. Elle ne lui reproche rien. Elle sait parfaitement qu'elle porte une part de responsabilité dans cette situation absurde. Elle a juste la sensation d'un énorme gâchis.

Le soupir de la jeune femme se mêle à celui du client qui regarde ses convives les yeux dans le vague. Elle l'observe un instant. 1m70 environ. Cheveux châtains coiffés en arrière. Le visage en lame de couteau. Une bouche généreuse. Le regard brun. De longs cils qui accentuent son côté féminin. Il n'est pas mal dans son style. Jérémie, qui ne l'a vu qu'à l'occasion de la soirée de ce soir, se serait bien laissé tenter s'il en avait eu le temps. Mais l'assistant est pro jusqu'au bout des ongles.

Maintenant, la soirée se termine...

— Vous savez que Jérémie, mon assistant, le vrai, s'est fait des mèches bleues juste pour le lancement du produit ?

— Vraiment ? C'est... un peu extrême, non ?

— Extrême ? Non. Jérémie n'est pas extrême. Il prend son travail à cœur. Et c'est un garçon charmant... et disponible, finit-elle en lui souriant.

L'allusion est à peine voilée. Mais Pélagie pense que le temps presse pour tous ces cœurs solitaires. Il faut tenter sa chance. Arrêter de tourner autour du pot. Se jeter dans le vide et hurler son envie, ses désirs... Et puis, qu'est-ce qu'elle a à perdre ? Qu'est-ce que Jérémie aurait à perdre ? Et Brémond ? Rien.

— Je crois que je devrais aller remercier vos deux assistants. Ils ont fait un travail formidable... tout comme vous, Mlle Cervin, finit-il par dire en souriant avant de s'éloigner.

— Faites ça, murmure Pélagie en le voyant s'approcher de Jérémie.

— Alors comme ça, Mlle Cervin, j'ai fait forte impression autour de moi ? Je me demande bien sur qui...


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