19 / Hercule, le « poney » à poil long

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Pendant cinq minutes, tout est calme. Pas de nouveaux arrivant hystériques ou de vieille dame déboussolée. Et puis la porte automatique s'ouvre sur... un chat. Un gros chat. Un rouquin à la gueule peu sympathique. Tout seul. Tranquille. En territoire conquis. Un maître en son domaine. Un souverain en son royaume. Bref, un chat.

Et là, c'est le drame.

Dès qu'il voit le matou au regard matois, le « poney à poil long » se dresse telle une bête de concours face au jury, grogne ostensiblement et, sans avertir, s'élance, emportant par la même, Pélagie Cervin, fermement agrippée à la laisse.

Le chien se jette sur le chat qui, d'un bond, se met hors de portée sur le comptoir, croit-il. Mais l'adversaire est grand. Très grand. Il se dresse sur ses pattes arrière et atteint sans aucun problème le dit comptoir, balayant du même coup les piles de formulaires et autre prospectus qui se trouvaient là, et que le chat avait évitées avec une certaine finesse, vu sa corpulence.

Dans une belle envolée de papier, Pélagie tire sur la laisse en vain, tandis que le chat préfère aller se poster sur une armoire métallique... de l'autre côté du comptoir. Le « poney » tente alors de passer cet obstacle qui ne saurait lui resister. Il saute. C'est à ce moment-là que Pélagie n'écoutant que son courage, et probablement aussi la petite voix qui lui dit que si ce chien fait un carnage dans le commissariat, elle est sûre de dire adieu à la bienveillance dont elle a besoin pour éliminer tocard, se jette sur le mastodonte à poil long, et le ceinture pour le faire reculer. Ce qui ne fonctionne pas du tout. Autant le dire tout de suite. Malgré son mètre soixante-dix, elle n'est qu'une brindille que le chien évacue en un rien de temps et d'un seul mouvement.

Elle se retrouve sur les fesses, des poils plein les fringues, et le visage au niveau de l'arrière train de ce foutu clébard qui ne capte pas qu'il ne pourra jamais passer ce putain de comptoir par lui-même. Si d'habitude rien ne lui fait obstacle, il ne se rend pas compte qu'il patine comme un imbécile dans les feuilles éparpillées par terre. Et puis, il est trop gros, le comptoir est trop haut. Trop, quoi !

Le tout s'étant passé en quelques secondes, dans un concert d'aboiements, de grognements de miaulements et de feulements, aucun des policiers présents n'a réagi suffisamment rapidement pour éviter le désastre. Jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre, et que Faust Wagner-Smith égal à lui-même et l'air passablement contrarié, lance d'une voix ferme « Hercule ! Assis ! ».

Le chien obéit aussitôt et regarde autour de lui comme s'il n'était en rien responsable de l'apocalypse déclenché.

Hercule ! Hercule, le clébard s'appelle Hercule ! Elle ne l'avait pas vu venir celle-là ! Pélagie se relève furax. Mais pas encore assez pour répliquer quoi que ce soit avant que le propriétaire du dit clébard s'écrit :

— Bon sang ! Vous ne savez pas tenir une laisse !?

Puis, Pélagie reprend ses esprits, et se dresse face à « son stagiaire », les mains sur les hanches. Le policier qui est derrière Faust recule d'un pas instinctivement. Il est conscient, lui, qu'il est heureux que le comptoir soit la pour éviter une confrontation directe entre le témoin et la jeune femme. Il la voit bien lui refaire le portrait façon Picasso, là, présentement. Qui l'en blâmerait ?

— Bordel de merde ! jure Pélagie. Vous avez vu la taille de votre clébard ! C'est un vrai poney de concours ! Un veau à poil long ! Je ne suis pas dresseuse, moi ! Et puis, est-ce que c'est de ma faute si ce foutu chat est entré, et que votre « charmant » empereur des corniauds considère l'espèce féline comme nuisible, et donc, à éradiquer de la surface de la terre !

— Un chat ? Quel chat ?

— Ce chat ! montre Pélagie en désignant l'énorme boule rousse qui s'est tranquillement installée pour faire sa toilette en haut de l'armoire métallique où elle a trouvé refuge, indifférente au capharnaüm que sa seule présence a provoqué.

Et pour confirmer ce que vient de dire Pélagie, Hercule lance un « wouf » irrité.

Et c'est à ce moment-là que Clotilde arrive... avec Nicolas Perrier, interne à l'hôpital de Lille, venu témoigner. Évitant du même coup à Faust Wagner-Smith un fort désagréable moment d'excuse. Pélagie se promet qu'il ne perd rien pour attendre.


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