Deux bras la ceinturent et la soulèvent avec assurance avant de l'éloigner de l'objet du délit en récupérant la batte d'un habile mouvement du poignet. Pélagie, surprise, et surtout déséquilibrée – elle n'a pas les chaussures pour danser le tango – se retrouve à quatre pattes dans le ketchup et la moutarde.
— Bordel de merde ! Vous savez combien ça va me coûter de faire nettoyer cette foutue robe ? s'écrie-t-elle à l'adresse du parfait inconnu enveloppé dans un pardessus qu'elle qualifierait de classe, et qui se dresse maintenant devant elle avec sa batte qu'il appuie nonchalamment contre le cadavre du canapé.
— Que de vilains mots dans une aussi jolie bouche, se contente-t-il de répliquer avec un demi-sourire.
— Et ta mère !
— Ma mère ? Même si je ne vois pas ce qu'elle vient faire là-dedans, elle vous aurait sans doute passé la bouche au savon pour avoir osé proférer de telles choses. Pas la vôtre, manifestement.
— Vous êtes qui, putain ?! Un pote à connard évanoui dans son vomi ?
— Pas vraiment. Je ne connais pas ce monsieur.
— Et donc vous faites quoi ici, si je puis me permettre ? À part perturber une vengeance entièrement justifiée !
— Une vengeance justifiée ? Pour un tel massacre, il vous a au moins trompée avec Miss France... Non, Miss France et ses dauphines... ensemble.
C'est à ce moment-là que Clotilde apparaît avec son énorme valise à pois et sa bouche en cœur, qu'elle ouvre de surprise, mais dont il ne sort aucun son. L'effet de l'ouragan Pélagie conjugué à la présence d'un inconnu particulièrement attractif au milieu du carnage, sans doute.
L'homme fait un « ohhh » consterné en voyant le visage abîmé de la jolie blonde avant de se tourner vers Pélagie en lui tendant sa batte.
— Est-ce que cela veut dire que je peux reprendre là où j'en étais ? lâche cette dernière avec mauvaise humeur.
— Faites donc, mademoiselle, moi je m'occupe de la charmante en détresse, si vous le permettez.
— J'ai laissé des poches de surgelés dans le congèl...
— Prévoyante.
— En effet, réplique Pélagie avant de brandir sa batte telle la justice son épée et de l'abattre avec fracas plusieurs fois de suite sur l'infortunée platine.
Pendant ce temps, l'inconnu pose délicatement une poche de petit-pois surgelés sur l'œil tuméfié de Clotilde. C'est au moment où Pélagie abat la batte pour la quatrième fois, que tocard commence à reprendre ses esprits. Il ne fait pas le détail de tout ce qu'il voit, mais il se précipite sur la folle furieuse qui détruit avec application la seule chose à laquelle il tient plus que la vie.
Il n'a pas le temps d'atteindre sa cible qu'il tombe brutalement sur le canapé ravagé, assommé par le poing de l'inconnu. Pélagie se retourne en abaissant sa batte. Son regard va de tocard inanimé à l'inconnu aux yeux noirs. Bon, il l'a aidée. Elle va peut-être passer l'éponge pour la robe ruinée. Peut-être.
— Et si nous allions à l'hôpital ? Qu'en dites-vous ?
— Nous, nous allons à l'hôpital. Vous, vous reprenez votre vie mystérieuse là où vous l'avez laissée. C'est-à-dire sur le pas de la porte d'entrée de cette foutue maison, dit simplement Pélagie en évitant les divers débris qui jonchent le sol.
Clotilde la rejoint à l'entrée du salon sans rien dire. Pélagie empoigne la valise, et elles sortent telles deux reines qui auraient affronté, et seraient venues à bout d'une horde de barbares.
![](https://img.wattpad.com/cover/324115995-288-k432362.jpg)
VOUS LISEZ
Pélagie aussi !
Chick-LitPélagie est une fille énergique et protectrice. Très protectrice ! Surtout quand il s'agit de sa meilleure amie pour la vie, Clothilde. Alors quand Clo se trouve en danger à cause de son cœur d'artichaut, elle n'hésite pas une seconde. Elle fonce ! ...