Pélagie aussi !

49 / Le bienfaiteur

Marie-Hortense aurait dû s'en douter. Les derniers évènements ont mis Pélagie sur la piste de son père. Et maintenant, la directrice est face à un problème de taille. Que faire ? Elle a bien fait la promesse à Robert Verteuil de ne rien révéler. Toutefois, elle a aussi fait une autre promesse, plus ancienne celle-là, qui jusqu'à présent concordait avec celle de Robert. Elle avait promis à Gabrielle de toujours s'occuper au mieux de son enfant.

Or, en cet instant, ces deux promesses s'opposent. Car si Marie-Hortense comprend le souhait de Robert, il ne lui permet plus de tenir la promesse faite à Gabrielle, celle qu'il a aimé et qui est morte en mettant au monde leur enfant. Parce que ne rien dire met Pélagie dans une situation difficile. Lui révéler la vérité lui ferait du bien, aplanirait ses colères, éloignerait ses doutes.

Bien sûr, Pélagie n'est pas mal dans sa vie, mais la connaissant, elle n'arrêtera pas de fouiller jusqu'à trouver. Déjà enfant, elle était déterminée, pour ne pas dire têtue. Et si ses recherches la mettaient en danger ? Alors que si Marie-Hortense lui dit certaines choses... Quel dilemme...

Et Robert qui est injoignable en ce début d'après-midi...

La directrice observe les enfants qui jouent dans la cour basse du bâtiment principal. Elle sourit en voyant Clotilde et Pélagie montrer aux plus jeunes comment faire de belles boules de neige... avant d'en lancer une ou deux sur les plus grands qui se prêtent aussitôt au jeu.

Et puis, il y a les deux hommes. Le dernier des Wagner-Smith et le dernier des Perrier. Tous les deux ne devaient pas se connaître avant d'avoir rencontré les filles. Et pourtant, ils sont issus d'un milieu proche. Leurs parents se côtoient ou se sont côtoyés au moins aux réunions annuelles pour l'Institut, puisqu'ils font partie des mécènes.

Que ces deux hommes aient rencontré les deux jeunes femmes et s'en soient entichés, est totalement inattendu. Mais les voix du seigneur ne sont-elles impénétrables ?

Au moment où Marie-Hortense va pour appeler Pélagie, son téléphone sonne. Une voix qu'elle ne connaît pas lui annonce alors une nouvelle à laquelle elle ne s'attendait pas. Pas avant longtemps en tout cas.

***

Quand Pélagie pénètre dans le bureau de la directrice de l'Institut, laissant ses amis dans le couloir, elle voit bien que quelque chose ne va pas. D'ordinaire parfaitement maîtresse d'elle-même, la mère supérieure a un air de tristesse infini dans le regard. Elle se tient bien droite, mais Pélagie remarque un léger tremblement de ses mains.

— Il y a un problème, ma Mère ? Je peux revenir plus tard si vous avez...

— Non, Pélagie. Tu dois rester. Je crains que mon problème ne soit aussi le tien, dit-elle en tapotant de la main gauche un petit tas brun posé sur le bureau.

— Mon problème ?

— Tu es venue me demander si je n'aurais pas quelques informations sur ton généreux bienfaiteur...

— Comment... ?

— Ma chère enfant, commence Marie Hortense en soupirant, tu n'as jamais été très loin de mes yeux.

— C'est vous, le bienfaiteur ?

— Non. Le bienfaiteur était ton père.

— Était.

— Était. Il est mort cette nuit.