50 / Face à la vérité

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Marie-Hortense aurait pu l'annoncer moins brutalement. Elle n'a pas su. Elle est trop bouleversée elle-même de la perte de son ami. Car Robert Verteuil avait été un ami. Un ami d'enfance qu'elle avait perdu de vue le temps de son noviciat et qui était réapparu dans sa vie alors qu'elle s'occupait déjà de l'Institut. Il était venu faire un don et il avait rencontré l'amour de sa vie.

Gabrielle était une jeune femme qui comptait entrer dans les ordres à défaut de pouvoir affronter le monde. Marie-Hortense l'avait prise sous son aile pour tester sa foi et son engagement. Rien de pire selon elle que d'embrasser la religion pour de mauvaises raisons.

Lorsque Robert était entré dans ce même bureau ce jour-là, Gabrielle en sortait. La directrice avait immédiatement vu ce qui arriverait ensuite. Toute la physionomie de Robert s'était illuminée quand son regard d'argent liquide avait rencontré celui vert espoir de la jeune femme incertaine.

Marie-Hortense n'avait pas regretté d'avoir été à l'origine de ce qui était arrivé entre eux. Et ce, même si cet amour avait détourné Gabrielle de la religion, même s'il avait consumé la jeune femme jusqu'à souffler sa dernière étincelle de vie. Elle avait assisté à leur bonheur fugace. Et pour cette raison, elle avait accepté d'en protéger le fruit.

La mort de Robert annonçait un nouveau chapitre à cette histoire tragique mais belle. Toutefois, Marie-Hortense était bien incapable d'en deviner la teneur. Tout allait dépendre de Pélagie.

— Mort cette nuit ? C'est bien pratique... Vous ne diriez pas ça pour éluder le problème, quand même... Vous n'oseriez pas !

Le regard que lui lance la directrice lui interdit de poursuivre dans cette voie. Elle comprend qu'il n'y a pas de mensonge. Son père est réellement mort cette nuit. Étrange coïncidence ? Hasard malheureux ?

— Comment ?

— Arrêt cardiaque en buvant un whisky. Il s'est éteint comme il a vécu, avec discrétion et en faisant quelque chose qu'il aimait.

— Son nom ?

— Je ne vais pas répondre à cette question Pélagie. Je vais te laisser faire sa connaissance. Il... il avait prévu ce moment. Je te laisse avec lui, dit finalement Marie-Hortense. Elle se lève pour laisser sa place à Pélagie et lui tend une petite clé ouvragée.

La jeune femme comprend que le petit tas brun posé sur le bureau est une belle boite en bois fermée par une serrure. Une boite qui contient manifestement les réponses à ses questions. Le mystère de sa naissance et de son abandon.

***

— Ma mère ? Vous laissez Pélagie seule dans votre bureau ? demande Clotilde dès que la directrice ferme la porte derrière elle.

— Oui. Et je pense qu'elle en a pour un moment. Vous pouvez rentrer chez vous.

— Mais... commence Clotilde qui s'inquiète.

— On va aller faire un tour, Clo. Tu voulais voir le marché de Noël. C'est le bon moment. On reviendra dès que Pélie t'appelle. Elle t'appellera. C'est sûr.

— Il a raison, Clotilde, dit alors Faust. Moi, je reste. D'accord ?

— Mais c'est moi sa meilleure amie... Elle a besoin de moi.

— Ce dont elle a besoin, c'est de temps, Mlle Masherbrum, dit gentiment la Mère Supérieure.

— J'en conclus que vous lui avez transmis des informations, dit Faust avec un regard un peu dur.

Il ne comprend pas pourquoi la directrice a gardé le secret si longtemps.

— Oui. J'ai tenu mes promesses jusqu'au bout.

Sur ces paroles, Mère Marie-Hortense s'éloigne d'eux. Elle a d'autres enfants sur lesquels elle doit veiller aujourd'hui, et la mort de son ami Robert lui rappelle de manière bien brutale, qu'elle ne sera pas toujours là pour le faire.


Pélagie aussi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant