15 / Un challenge de taille

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Les cinq collaborateurs s'arrêtent devant le bureau de Grimaud dont la vitre offre un spectacle peu banal. Pélagie hurle sur son boss en agitant le vibromasseur au gré de son discours animé. Grimaud est quasi tétanisé sur son fauteuil, hésitant entre éclater de rire et s'enfuir en courant. C'est comme du cinéma muet sans la musique d'ambiance.

— Mazette... quand je disais que ça allait chauffer... Je croyais pas si bien dire. Elle est furax, notre Pélagie.

— Qu'est-ce qu'il se pass... commence Frédéric. Est-ce que Pélagie est en train de brandir un vibromasseur bleu devant le boss ?

— C'est ça, dit simplement Solène.

— Merde... Il lui a refait le coup. J'y vais...

— Non. Je crois que Mlle Cervin, s'en sort très bien. Regardez, dit alors Faust en attrapant le bras du chef de projet, qui s'arrête en fixant d'abord cette main étrangère sur son veston, et ensuite l'homme à qui appartient cette main. Main qui disparaît aussitôt.

— Pardon. Je ne voulais pas...

— Solène ! Jérémie ! Les stagiaires ! Dans mon bureau ! crie brusquement Pélagie qui vient d'ouvrir en grand la porte du bureau de Grimaud.

Tout le monde a sursauté, mais tout le monde la suit sans un mot. Même Fred qui n'a pourtant pas été convié.

L'objet désormais baptisé officiellement « bite de Schtroumpf » a retrouvé son écrin de satin pourpre. Pélagie le fixe avec animosité comme si il était, d'une façon évidente, la cause de toutes les galères futures.

— Je peux m'en occuper, Pél. Je vais voir Grimaud immédiatement et...

— Non, Fred. Tu as la campagne parfum à finir. Grimaud a justifié son choix par, je cite : « Entre Mlle Roost et vous, je n'ai pas hésité une seconde. Vous êtes la seule capable de vous occuper de ce client et je sais que vous saurez le gérer de main de maître ». Et il a dit ça en fixant l'objet dans ma main, évidemment. De toute façon, pas question de refiler le bébé à Justine. Je ne suis pas comme ça.

— Donc, on s'occupe de... commence Solène.

— De la « bite de Schtroumpf », oui, confirme Pélagie avec un regard de tueuse.

Les deux jeunes stagiaires blêmissent. Faust a une expression indéchiffrable. Jérémie se frotte les mains en riant.

— Je vois qu'il y en a au moins un qui s'amuse.

— Ben, ça va nous changer ! Un vrai challenge à relever ! De nouveaux défis ! On va pas pouvoir se cantonner à nos circuits habituels... Il va falloir trouver des idées !

— Ouais, ben en attendant, on va tous lire attentivement le dossier client pour savoir ce que ce truc a de mieux que ses concurrents.

— La couleur déjà, dit alors Faust en s'adressant à la brunette qui rigole discrètement.

— Pas sûre que ça n'existe pas sur le marché. Tiens, mais comme vous semblez particulièrement intéressé, M. Wagner-Smith, vous vous chargerez de trouver des informations fiables sur la concurrence dans le même créneau de prix. Je ne veux rien sur le cheap et l'importé pourri. Il paraît que c'est un produit 100 % français... Bon, tout le monde dehors ! Au boulot !

— Je peux vous parler, Mlle Cervin, dit alors Faust en laissant les autres sortir.

— Est-ce que j'ai le choix ?

— Oui. Mais...

— Vous allez très bien vous en sortir avec cette collecte d'informations, dit-elle en s'asseyant à son bureau.

— Il ne s'agit pas de ça.

— Ah ?

— Pourquoi utilisez-vous mon nom de famille pour vous adresser à moi, alors que vous utilisez le prénom de tous les autres ?

— Parce que vous êtes plus âgé que moi, et que je vous dois le respect. Et que si j'utilise Faust, je ne suis pas sûre de ne pas éclater de rire. Ça vous va ? Maintenant dehors !


Pélagie aussi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant