46 / L'antre de ce diable de Faust

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Lorsqu'elle entre dans son appartement, Faust se sent comme un gosse qui invite sa première amoureuse dans sa chambre alors qu'il sait qu'il n'a rien rangé... « pathétique, mon vieux », pense-t-il aussitôt. D'autant qu'elle n'a le temps, ni de dépasser le seuil du vestibule, ni de regarder quoi que ce soit. Hercule lui saute dessus sans faillir dès qu'il la voit.

La jeune femme a beau faire 1m70, le terre-neuve la dépasse largement en poids et taille quand il se dresse. Elle le réceptionne avec le « Outch » peu élégant du maçon réceptionnant des sacs de ciment, et vacille aussitôt vers l'arrière. Faust a à peine le temps de tendre les bras pour l'accueillir avec le chien. Ainsi prise en sandwich, elle hurle rageuse :

— M. Wagner-Smith dites à votre stupide « poney » à poil long que je ne suis pas une friandise ! Je suis en train de mourir asphyxiée !

— Hercule ! Assis !

Le chien s'exécute aussitôt, non sans une pointe de regret au fond des yeux, cependant. Il l'aime bien cette fille. Son odeur lui plaît.

— C'est pas vrai ! Ma robe ! C'est la deuxième fois que vous me ruinez une robe hors de prix, M. Wagner-Smith ! s'écrie Pélagie en voyant le désastre du tissu recouvert de poil et taché, voire éraflé... c'est une misère !

— Je suis désolé. Je payerai le teinturier.

— Vous... Mon teinturier va se demander ce que je fais de mes soirées ! dit Pélagie en lançant un regard en coin à Faust dont le ton posé mais pas désagréable l'étonne.

— Vous avancez... ? Mon appartement ne se limite pas à un vestibule...

Ah. Le vrai Faust revient.

Ce qu'elle découvre en entrant est pour le moins surprenant. Une partie du salon a été transformé en espace de travail. La table est recouverte de piles de documents autour de deux écrans allumés sur des tableaux complexes où s'alignent des chiffres. Au mur, juste derrière, une carte avec des post-it dessus. Beaucoup de post-it.

— Vous, quand vous ramenez du boulot à la maison, vous ne rigolez pas, dit-elle en s'approchant.

Elle a ôté ses escarpins humides. Pieds gainés de bas arachnéens, elle avance en tenant ses jupes qui ont également pris l'humidité, malgré ses précautions. Elle ne veut pas abîmer le parquet de cet appartement. Ça lui donne des airs de princesse, qui ne seraient pas pour lui déplaire si elle en avait conscience. Mais toute son attention est tournée vers ce que Faust Wagner-Smith a découvert.

Ce dernier, lui, ne peut s'empêcher de trouver Pélagie Cervin très belle. Ce chignon bas sur sa nuque parfaite, dont s'échappent quelques mèches folles, semble l'inviter aux caresses. Mais il s'abstient. Ils ne sont pas là pour ça.

Vraiment ?

— Lequel des deux pique dans la caisse ? Non ! Ne dites rien ! Je parie que c'est Grimaud. J'ai toujours pensé qu'il avait une tête de faux-jeton.

— C'est en effet Grimaud, confirme Faust. Sa paresse et ses erreurs vont permettre à mes patrons de s'emparer de l'agence sans problème.

— Et c'est mal ? Est-ce que vos patrons vont la fermer ? Ils vont virer du monde ?

— Pour le moment non, répond-t-il en l'enveloppant dans un plaid en laine qu'il a récupéré sur le dossier du canapé.

Il a remarqué qu'elle grelottait malgré son étole. Ses bras restent un instant autour d'elle. Jusqu'à ce qu'elle se dégage en le remerciant.

— Donc vous êtes un espion. Vous avez dû bien vous amuser à nous examiner à la loupe en douce.

— Pas exactement. Mon seul but était de trouver les informations que mes boss cherchaient.

— Vous vous êtes drôlement impliqué pour quelqu'un qui n'était là que pour espionner.

— Votre boulot est intéressant.

Pélagie éclate de rire. Hercule relève le museau qu'il avait posé sur ses pattes en se couchant près de l'entrée avec un regard de regret vers le canapé. Sa queue remue. Il aime bien aussi quand elle rit.

— La prochaine étape, c'est quoi ? demande-t-elle en ne songeant qu'à l'agence.

— Ça dépend, répond-t-il en s'approchant dangereusement d'elle, en pensant à bien autre chose qu'au boulot.


Pélagie aussi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant