Pélagie sort de la salle de bain vêtue d'un tailleur pantalon très chic, les cheveux attachés en queue de cheval et un maquillage léger. Elle passe près de Clo qui dort encore et sourit en réajustant le plaid qui a glissé en bas du canapé. Elle aime bien avoir son amie auprès d'elle. Elle va bien s'occuper d'elle. Elle lui doit bien ça. Lorsqu'elles étaient étudiantes, elles partageaient un appart, mais c'est Clo qui payait la plupart des factures avec son salaire.
Pélagie lui a programmé un réveil dans une heure. La boutique de lingerie n'est pas très loin d'ici. Elle peut se permettre de se lever à la dernière minute. Une fois qu'elle aura raconté son mensonge au sujet de sa blessure – elle est tombée dans l'escalier. Yes ! Super original ! -, elle ira voir un médecin qui lui fera un arrêt de travail. Ensuite, elle reviendra ici pour dormir tout son sou.
***
Pélagie s'arrête en sortant de l'ascenseur. Un attroupement inhabituel s'est formé devant la vitre panoramique de la plus grande salle de réunion de l'agence. Dedans, les deux patrons de la boite discutent fiévreusement avec trois autres hommes et une femme : Le responsable financier dont elle ne se souvient jamais le nom et qu'elle appelle simplement « le comptable » ; Mme Lambert, responsable RH ; Maitre Depoorter, avocat-conseil et un inconnu au regard d'acier, sans doute un banquier vu le costume.
— C'est quoi ce bazar ? murmure Pélagie à l'oreille de Justine Roost, la collègue féminine avec qui elle s'entend le mieux dans l'agence.
— Les patrons sont aux 400 coups. Il paraît qu'il y a une boite américaine qui veut les racheter. Alors, c'est branlebas de combat sur les gros clients et les dernières campagnes.
— Ah ! Je me disais aussi que ça ne devait pas être l'arrivée des nouveaux stagiaires qui pouvait provoquer une telle agitation. C'est bien aujourd'hui qu'ils rappliquent, non ?
— Si. En plus ! Et je crois que ça va être gratiné ! Pire que la dernière fournée !
— Non ? On peut faire pire que des étudiants de lettres classiques qui pensent tout savoir de l'âme humaine parce qu'ils ont lu Balzac, Zola et étudier l'ancien français ?
— À toi de voir, je crois que tu vas être contente. Les patrons ont encore monté le niveau du challenge. Cette année, il y a un vieux, et il est pour toi.
— Un vieux ? Tu rigoles ? Ils ont eu un prix ou quoi ?
— Je sais pas. Il t'attend dans ton bureau avec deux jeunettes qui m'ont eu l'air très inspirées tout à l'heure... Genre dans quel état j'erre...
— Mais pourquoi ! Pourquoi c'est toujours moi qui me coltine les boulets ? râle Pélagie en décidant de quitter le spectacle pour rejoindre au plus vite son bureau.
— Parce que tu fais ça tellement bien, Pélagie, répond un jeune homme en l'attrapant pas le cou.
Fred, Frédéric Vermeren de son vrai nom, est comme elle et Justine, chef de projet junior. Il a le physique type du surfeur : blond, yeux bleus, l'air cool et décontracté. Pourtant, il n'a jamais mis les pieds dans l'océan. Il déteste la mer et les vagues en général et est un control-freak. Pas cool quoi ! Comme quoi, l'habit ne fait jamais le moine.
Justine rigole et s'éloigne avec lui, tandis que Pélagie s'apprête à entrer dans son bureau. Elle sait qu'il y a du monde là-dedans. Ces deux collaborateurs principaux : Jérémie Redon et Solène Estaca, et donc, les trois stagiaires mystères. Elle prend une profonde inspiration et entre, sa tasse de café à la main.
La première chose qu'elle voit, c'est un dos de costume fait sur mesure à n'en pas douter - elle a l'œil - penché sur un document posé sur la petite table de réunion, dans la partie droite de la pièce. Puis, Jérémie et Solène, face au costume hors de prix, qui discutent avec une fille d'une blondeur à faire pâlir le soleil. Enfin, une brunette adossée à la fenêtre qui observe ce petit monde, un air désagréable collé au visage.
Bien, on y est.
— Bonjour tout le monde ! lance Pélagie à la volée en rejoignant son bureau, alors que Solène se dresse comme un beau diable en la saluant d'un « salut patronne » qui semble contrarier la brunette.
Elle pose son sac, son manteau, sa tasse et s'apprête à s'asseoir en embrassant toute la pièce du regard, mais s'arrête à mi-parcours.
— C'est une plaisanterie ?! s'exclame-t-elle.
Devant elle, Solène et Jérémie échangent un regard interrogateur, la blonde a une expression d'anxiété dans les yeux, la brunette se montre plus renfrognée que jamais, et enfin, Faust Wagner-Smith, lui, est tout sourire. Personne n'ose briser le silence qui s'installe une demi-seconde, le temps pour Pélagie de réagir.
— Ok. Tout le monde va se prendre un café à la machine du couloir, dit-elle avec un ton tranchant en fixant le « vieux » stagiaire. Et tout le monde y reste jusqu'à ce que je vienne vous chercher.
« Tout le monde » obéit dans un même mouvement. Y compris Faust.
— Sauf vous M. Wagner-Smith. Vous, vous restez, finit-elle d'un ton glacial.
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Pélagie aussi !
ChickLitPélagie est une fille énergique et protectrice. Très protectrice ! Surtout quand il s'agit de sa meilleure amie pour la vie, Clothilde. Alors quand Clo se trouve en danger à cause de son cœur d'artichaut, elle n'hésite pas une seconde. Elle fonce ! ...