Dans le jardin, 8h03
Les mains dans la terre, je récolte soigneusement les légumes qui ont poussé. Pas très loin se trouvent des tas de variétés de fleurs, allant des plus belles roses rouges aux douces pâquerettes qui poussent dans les herbes hautes. Je crois que toutes les fleurs sont belles. Je ne pourrais choisir mes préférées.
C'est alors que je finis par relever la tête. En haut, à la fenêtre de la chambre, Julien me fixe en fumant une cigarette. Il a ouvert la fenêtre, sûrement parce qu'il risque de s'étouffer avec cette odeur nauséabonde que dégage sa cigarette. Depuis combien de temps m'observe-t-il ? Peut-être des heures. Cette pensée me met soudainement mal à l'aise.
« -Vous n'avez pas dormi dans le lit, pourtant c'était ce qui était convenu...
-Déjà Bonjour. De plus, je ne l'ai pas fait exprès, je me suis endormie sur le canapé voyez-vous... »
Je ne dis que la stricte vérité. Je me suis effondrée dans le canapé, sans crier garde, sans me rendre compte de quoi que ce soit. Je suis de bonne foi. Mais visiblement, il n'en semble pas convaincu.
« -C'est tout de même un manquement à votre devoir d'épouse...
-Et vous alors ? Vous ne manquez pas à votre devoir d'époux en m'accablant de si bon matin ? »
Je ne discerne pas bien son visage. Mais je sens qu'il me fusille du regard. Comme si je recevais une balle en pleine tête. Je me contente de continuer mon jardinage. Je ne vais pas gâcher mon passe-temps favori pour des foutaises.
« -Sinon, vous vous réveillez toujours aussi tôt ?
-Oui. Toujours. Je n'aime pas rester inactive. Et le jardin doit être entretenu. J'adore m'en occuper le matin...
-Eh bien, vous avez une vie bien déprimante à mon goût... »
Je soupire. Je sais bien que tout le monde n'est pas passionné de botanique. Mais moi, je ne critique pas son goût pour l'art. C'est là toute la différence. Je crois qu'à ce rythme-là, je vais faner pour de bon...
Au bout de quinze bonne minutes, l'homme descend en bas. Vêtu d'un beau costume comme on en vend dans les grandes villes, dans les tailleurs les plus prestigieux. Il s'avance sur la terrasse, les mains dans les poches.
« -Je vais au village. Je vais contrôler l'avancée des travaux de mon petit atelier, j'ai à faire. Je ne sais pas si je serais là pour midi.
-Je vois. De toute façon, je suis dans les parages dans tous les cas.
-Bonne journée.
-Bonne journée à vous aussi. »
Sur ce, il fait demi-tour et quitte le domicile, sans un mot ou regard de plus. Franchement, bon débarras ! Je n'ai pas l'esprit tranquille quand il est dans le coin. Pas que je me sente en danger. Mais un malaise s'empare de mon être jusqu'à mon âme. Je ne sais comment me sortir de cette histoire farfelue...
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11h54, place du village.
Julien découvre le village et ses charmantes petites boutiques, certes charmantes mais qui n'ont rien à envier aux grands magasins de Paris avec ses dizaines d'étages et des articles du monde entier. Ici ne règne que la misère et la pauvreté. Ainsi que gens insignifiants.
Cependant, l'homme a bien du mal à se repérer. Plus de tour Eiffel. Ou de lampadaires. Plus de calèches. Plus de petits bars. Rien. Le néant. Le silence. Ou parfois, quelques enfants jouent au ballon. Mais un calme règne. Une prospérité qu'il ne connait pas. Même la fontaine peine à cracher de l'eau.
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Le jardin de mon coeur
Historical Fiction"Je m'appelle Ange. En 1944, mon jardin était tout pour moi. Jeune femme de la campagne, je n'avais conscience ni du danger ni du coup de foudre. Qu'est ce qui est le pire dans cette histoire ?" Mais bon, ce ne sont que des bouquets de fleurs, non? ...