Chapitre 29: Les complaintes lancinantes de la rose

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Hello! Avant de commencer votre lecture, je vous partage cette musique, juste incroyable et bouleversante de Pagny, elle colle parfaitement au contexte et à l'ambiance, ce n'est qu'un bonus pour mieux imaginer! Ah oui, et ce chapitre, on passe à un point de vue interne à Julien, faites bien attention à ce changement! Sinon, bonne lecture, et encore merci de me lire!!


(Point de vue de Julien)


Je ne sais pas si j'ai passé la nuit. Il fait tellement noir ici que ça m'étonnerait. On m'a toujours raconté que quand on meurt, on voit une lumière blanche au loin. Putain de conneries.


Parce que nous, hommes du front, innocents et tous dans la même galère, nous crèverons la bouche ouverte. Peu de temps après, des gros rats viendront bouffer nos peaux ensanglantées, jusqu'à ronger nos os. La mort ne veut plus rien dire ici. Une habitude, un aléa comme un autre.


Je ne vois rien. Peut-être que je suis devenu aveugle ? Je n'en sais rien. L'amour rend aveugle, c'est ce qu'on dit ? Ange, est-ce vous ? Est-ce vous dans ce brouillard épais ? Dans cette neige capricieuse ? Dans ce champ de coquelicots ? En train de serrer votre chandail ? En train de me tendre la main ? Alors que votre propre poitrine chiale des pétales ? Est-ce vous ma douce jonquille ?


J'ai déjà ma réponse. Je suis rempli d'illusions. Ici, ça ne sent pas la fragrance de jonquille ou le bon rôti de bœuf du dimanche. Ici, ça pue la crasse, la mort, la boue, le sang. Le nez finit par s'y faire. On se fait à tout, croyez-moi. J'ai connu la Première Guerre Mondiale. Depuis, ces diverses odeurs sont mes bonnes copines, elles sont là pour me rassurer, pour me dire que je ne suis pas fou.


Mais est-ce qu'on avait prévu l'ampleur de ces années sombres ? De cette seconde Guerre, encore pire que la précédente. Je l'affirme haut et fort mes camarades : j'emmerde l'Allemagne tout entière. Les peintres allemands sont les plus mauvais, c'est bien connu... Qu'on aille péter Berlin, c'est moi qui vous le dit...


Il n'y a pas d'étoiles ce soir. Juste une poussière infime au-dessus de nos têtes. Je ne sens pas le front. Ai-je le sang chaud ? Ou bien le cerveau en ébullition ? Mes pensées me maintiennent en vie. Oui, ça doit être ça. Il faut penser dans ce siècle déshumanisant et humiliant. Il le faut, de toute urgence...


A ma droite, Antoine grelotte. Il supporte moins le front. Sûrement par manque d'expérience, je ne sais pas. Si seulement on avait une putain de bougie aussi ! Mais, nous n'avons rien. Nous n'avons définitivement plus rien. Depuis que nous sommes monté dans ce train, nous savons qu'à l'arrivée, l'Enfer serait moins pire...


« -Je vais mourir Julien cette nuit. Je sais. Je ne vais pas tenir comme ça... je suis si faible... affirme le blondinet, dans le noir, en pleurant.


-Arrêtez de vous rabaisser. Vous allez la passer la première nuit, c'est la plus difficile. Après, tout ira comme sur des roulettes.


-Je suis minable. Voyez-vous je m'effondre sous le vent... Quand j'aurais une arme et que je serais face à l'ennemi, croyez-moi, je serais le premier à périr... Je suis un boulet.

Le jardin de mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant