Chapitre 2: Une ronce rencontre une fleur

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Alors que je suis tranquillement en train de coudre un napperon, j'entends quelqu'un toquer à la porte. TOC TOC TOC. Trois coups sonnant comme un coup de massue. Trois coups sonnant mon arrêt de mort. Une terrible appréhension me monte jusqu'au creux de mes veines. On dirait que le grand Méchant Loup est arrivé...

Je me lève rapidement et lisse correctement ma robe. Pourquoi ai-je un mauvais pressentiment ? Après tout, ça peut être quelqu'un d'aimable et de sympathique. Je n'en sais rien. Je ne suis pas du genre pessimiste pourtant. Mais, j'ai comme cette impression que mes fleurs fanent déjà...

J'ouvre la porte après avoir repris trois fois une grande inspiration tant je suis tendue. Un géant. Voilà la première impression que j'ai. Cet homme fait facilement deux têtes de plus que moi. Un colosse...

« -Bonjour. Vous êtes Julien, n'est-ce pas ?

-Exact. Et vous Ange ?

-C'est bien ça. Rentrez, je vous prie ! »

Souriante, j'accueille l'homme poliment bien que je sois gênée par cette situation inédite et hors du commun. Surtout qu'il me toise du regard, c'est si gênant !

La deuxième chose qui me frappe. C'est sa froideur. Pas de bonjour. Ou de sourire. Rien de tout ça. Juste un visage austère et fermé. Des yeux noirs me fusillant. Des mèches folles toutes aussi noires. Une mâchoire carrée. Des lèvres comme abîmées. Il fait si froid soudainement...

« -Avez-vous fait bon voyage ? Cela n'a pas été trop long j'espère ?

-Une catastrophe. J'ai eu du mal à trouver. Et en plus, il n'y avait pas de voitures...

-J'aurais dû venir vous chercher à la gare, je suis bête. Mais le principal, c'est que vous soyez là ! »

On ne peut pas dire que c'est l'amabilité en personne. Non. Sa voix m'assène de grands coups derrière la nuque. Chaque parole me cogne fortement. Cependant, je reste de marbre et garde mon sourire angélique. Mes parents ont bien choisi mon prénom...

« -Vous voulez peut être vous reposer dans la chambre ? Ou manger un bout ? J'ai fait un bon ragoût si vous voulez.

-Je vais me reposer si ça ne vous dérange pas.

-Non, pas du tout. Je vous amène dans la chambre ! »

Joviale bien que je le ne suis pas sur le coup, parfois, il faut mieux masquer ses émotions et se faire passer pour une belle fleur. Je passe devant l'homme et monte les escaliers, grinçant alors sous mes pas. Je tourne ensuite à gauche pour lui indiquer la chambre.

« -Voilà c'est ici. Je sais, c'est petit. Mais on fera un maximum de place...

-Vous n'avez pas de bureau ?

-Ah non, désolé. Je n'ai que cette petite table dans la chambre... »

Je pointe du doigt une petite table en bois, face à la fenêtre, donnant sur le jardin. Je ne sais même pas pourquoi j'ai ce meuble vu que je ne m'en sers jamais...

« -Cela ne va pas être pratique si j'ai besoin de dessiner... fait remarquer l'homme, toujours avec froideur.

-Sinon, vous avez la table du bas. Ou encore la petite terrasse, il y a une table. On va trouver une solution ! »

L'homme ne répond pas. Il choisit plutôt de m'ignorer et de poser ses affaires. Après tout, il est chez lui dès à présent. J'en profite pour aller ouvrir l'armoire, au fond de la pièce.

« -Ici, il y a de la place pour vos vêtements si vous le souhaitez. La penderie est presque vide à vrai dire... »

Aucune réponse. L'homme semble préoccupé par le petit bureau qui ne semble pas lui convenir. Et pourtant, il s'efforce de poser sa mallette dessus. Je ravale ma salive. Bon Dieu, c'est encore pire que ce que j'avais imaginé.

Le jardin de mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant