Chapitre 32: Mars trépasse sur les œillets

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Mars 1945


Je n'ai pas eu de nouvelles de Julien depuis que je lui ai envoyé ma lettre. Je sais pourtant, qu'il ne peut me répondre en quelques jours, mais là, le temps s'éternise et en devient assassin. La distance n'est qu'une faiblarde à côté de cet ennemi redoutable, qui remet tout le monde à sa place : le temps.


Je suppose que Julien est mort à l'heure qu'il est. J'aimerais en être informé. Parce que sa tombe, je lui ai promis qu'elle soit joliment fleurie. Je ne me suis remise qu'à jardiner pour cette unique raison. Pour que même mort, il soit décorée des plus belles variétés de fleurs, pour que la France ne l'oublie jamais...


Il y a des bruits comme quoi l'Armée Française gagne du terrain, de plus en plus, tout ça parce que les Allemands commencent nettement à faiblir. Après tout, le temps doit être long pour eux aussi. Il pensait gagner cette guerre en quelques jours, c'est raté. Les Français sont coriaces et ne lâchent jamais l'affaire.


En revanche, pour les Françaises, c'est une tout autre histoire. Nous n'avons aucune information. Nous n'en avons pas le droit. Parce que, nous sommes de maudites femmes, voilà pourquoi. Nous sommes condamnés à errer, en silence, et à pleurer dans nos bas, encore et encore. Messieurs, nous pleurons bel et bien pour vous...


Aujourd'hui, je me rends à la gare. Depuis quelques jours, j'ai ce petit rituel. Je m'assois sur un banc et j'attends inlassablement. Mais les seuls trains qui passent, c'est pour déposer de la marchandise. Où sont les hommes ? Où sont-ils bon sang ?


« -Ange... Vous êtes encore ici. Vous n'êtes vraiment pas possible... Une vraie tête de mule... »


André s'assoit à côté de moi, observant les rails avec espoir. Il essaie tant bien que mal de me faire tenir le coup, de garder la tête haute, mais je m'effondre à chaque fois lamentablement comme une poupée de chiffon. Je ne suis plus rien...


« -J'ai toujours espoir au fond je crois André. Je veux à tout prix qu'il revienne...


-Vous en avez vu des hommes revenir vous ? Je ne crois pas. Il faut attendre que la guerre soit terminée pour ça...


-Mais quand André ? Quand ce cauchemar prendra fin ?


-Bientôt. Je le sens...


-Arrêtez de me mentir. Vous ne savez rien ! Vous êtes sensé être en contact avec des gens de l'armée Française et même des politiques, mais vous êtes dans l'ignorance la plus totale ! »


C'est vrai. André ne cesse de me dire qu'il a des contacts, que tout va bien, qu'on est bientôt triomphant. Mais, je connais trop bien la chanson, je la connais trop bien. On a voulu endoctriner le peuple mais c'est fini. Je me rebelle contre cette idée qui n'existe même pas.


« -Je vous jure que j'ai pu être en relation avec des gens pourtant... Croyez-moi, cette histoire avance...


-Ah oui ? C'est vrai qu'elle avance. Cela fait des années qu'on est au même point !


Le jardin de mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant