Antoine est parti depuis une petite heure pour inspecter le village dans l'espoir de trouver des camarades qui se seraient réfugiés dans leur habitation pour échapper à la mort. En attendant, des corps d'innocents sont encore exposés sur la grande place, et ça, personne ne peut rien y changer...
Un bruit violent perfore l'air. Et pour cause. Un avion passe au-dessus de nos têtes, avec l'emblème français bien en évidence. Je me bouche les oreilles. Depuis un moment, je ne supporte plus rien. Et encore moins, les bruits d'une telle violence. Je n'en peux plus de ce monde qui implose sous les bombes et sous ces drôles d'oiseaux qui fendent le ciel gris.
« -Notre avion est là ! »
James s'affole et sort de la mairie, les yeux rivés sur l'engin qui continue sa route dans les cieux sinueux. Ses deux hommes le rejoignent, tout aussi émerveillés et soulagés que leur avion soit arrivé. Ils reprennent ainsi leur sac à dos.
« -En tout cas merci Ange et Julien. Merci du fond du cœur. On ne vous oubliera pas.
-C'est nous qui vous remercions. Vous avez su nous rassurer et rester digne, encore merci... » dis-je, émue.
Dans un élan d'émotion, je m'autorise à prendre dans mes bras les trois Britanniques. Ces hommes nous ont sauvés la vie. Jamais j'aurais pu retrouver ma route sans leur aide et leur sang-froid incontestable. Jamais. Je serais morte de froid, dans une neige vorace, tout comme Julien.
« -On essaiera de vous donner des nouvelles, si ça ne va pas ici, on débarque... affirme James.
-Ce ne sera pas nécessaire. Nous resterons ici, c'est ainsi... répond à ma grande surprise Julien.
-Je sais bien. Mais on ne sait jamais. On est un peu comme des amis, non ?
-Oui. Vous êtes nos premiers amis Britanniques. L'Angleterre est un vrai cadeau... dis-je, souriante.
-Et alors, la France, c'est une vraie reine dans ce cas !
-Une reine qui va gagner en plus. Et grâce à vous les gars, grâce à vous. Vous allez réduire l'Allemagne à néant... dit Julien, les mains dans les poches.
-Promis. On va gagner. Pour vous. Pour tout le monde ! »
Julien sourit un peu et prend à son tour les hommes dans ses bras d'un geste amical et chaleureux, ce qui est dingue, c'est que tout le monde a cette envie que la France triomphe, de plus, ce pays va vraiment vaincre, je le sens dans ma chaire de française, je le sens dans mon sang.
« -On va vous laisser, l'avion doit être atterri. Vous saluerez le maire de notre part.
-Très bien. Repassez quand vous voulez ! dis-je.
-On y pensera Ange, à bientôt ! »
Les Britanniques nous saluent une dernière fois avant de disparaître, laissant le village derrière eux. Quelques minutes après, l'avion passe de nouveau, s'envolant dans des les airs et vers des terres lointaines. De là-haut, on doit voir davantage l'ampleur des dégâts. Mais au fond, ça doit être chouette d'être un oiseau, libre, percutant les nuages en coton.
« -Bon, on se retrouve seuls... dit Julien.
-Oui. C'est si étrange...
-Je suis bien d'accord avec vous...
-Enfin, on a Antoine avec nous.
-Certes. Mais sinon. Nous sommes trois français au milieu du chaos, c'est insensé... »
Franchement, il a raison pour une fois. Nous sommes trois pauvres âmes égarées, trois pauvres hommes réunis et ce dans ce village sans nom, sans visage. Qu'allons-nous devenir ? Des survivants ? Des vies à abattre ? Nous allons devoir vivre avec la peur au ventre et un goût de sang métallique dans la bouche.
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Le jardin de mon coeur
Ficción histórica"Je m'appelle Ange. En 1944, mon jardin était tout pour moi. Jeune femme de la campagne, je n'avais conscience ni du danger ni du coup de foudre. Qu'est ce qui est le pire dans cette histoire ?" Mais bon, ce ne sont que des bouquets de fleurs, non? ...