Encore 3 jours avant la fête du village. Je compte les jours qu'il reste comme une enfant. Et pourtant, qu'est-ce que j'attends véritablement ? Je ne sais pas vraiment. Je suppose que j'ai envie de danser. De valser dans une belle robe. De m'amuser. Loin des drames. Loin de cette vie dramatique. Ou alors, j'attends autre chose.
Ce matin, je me lève et vais préparer le petit-déjeuner. Julien dort encore. Je le laisse dormir. J'ai bien compris qu'il n'est pas du genre à se lever tôt. Et en plus, il est grincheux au possible. Autant le laisser hiberner...
Je me pose sur la terrasse et observe mon petit jardin. Petit mais grand dans mon estime. Parce que c'est tout pour moi. Mais ça, les gens le comprennent rapidement. Et dire qu'à quelques mètres, j'aperçois la foret. D'ailleurs, je me demande ce qu'il y a derrière ses bois, c'est vrai, c'est intriguant...
On m'a souvent dit qu'il y aurait des combats, d'où le fait qu'on entendrait parfois des explosions ou des coups de feu. On nous interdit de nous aventurer là-haut par mesure de sécurité. Mais pourquoi ? Peut-être qu'il y a un trésor ? Pourquoi j'ai cette soudaine envie d'aller jeter un coup d'œil ? Pour aller cueillir des champignons avec un petit panier ? Non, juste pour être humaine. Et avoir des réponses.
« -Mauvaise idée Ange ! Raisonne-toi ! »
Je secoue la tête. Bon sang, d'habitude je ramasse mes légumes, c'est bien ça ! Pourquoi ce matin je veux absolument faire autre chose ? Sûrement parce que l'ennui me guette. Comme la peur de la vérité. Ou la peur de ne pas savoir.
J'ouvre le petit portail à l'arrière du jardin. Tant pis. Si je ne m'éloigne pas trop, ça devrait aller. Et puis, Julien n'en saura rien. Je vais faire vite. Juste un coup d'œil. Rien de plus.
Je suis un long chemin jusqu'à me retourner. J'aperçois ma maison, la cheminée fume. Puis je reprends ma route. Non, je ne serais pas très longue. J'ai juste besoin de voir. De constater. De comprendre les choses. Pourquoi on nous met à ce point en cage ?
J'entre enfin dans le bois, après maintes hésitations. J'avoue que le décor ne donne guère envie. Pourtant, ça a un certain charme. Mais pas seule. Pas seule dans l'inconnu. Pas seule dans l'immensité nouvelle. Pas seule au milieu de ces grands arbres menaçants. Il fait jour mais c'est comme s'il faisait nuit tant la pénombre m'encercle.
Le silence est hallucinant. Il me frappe tout de suite. J'aurais cru qu'il y aurait des animaux sauvages. Ou encore ces fameuses bombes. Mais il n'y a rien. Rien de tout ça. Juste des arbres, encore et encore, à perte de vue. Dans quoi je me suis embarquée ?
Je m'arrête. Je vais revenir à la maison. J'ai vu à quoi ça ressemblait. Cela n'a rien d'attrayant. Ni d'exceptionnel. Il est préférable de rebrousser chemin. Mais c'est alors que j'entends des pas. Des pas lourds. Je me cache derrière un arbre par reflexe.
J'ose me pencher, à la fin du bois, se trouve des barbelés. De partout. Un village de barbelés. J'aperçois un bout de tissu ensanglanté, accroché à ce même barbelé. Je ravale ma salive. Je commence à être moins rassuré. Ce sang. Ce sang me saute au visage et me ramène à la réalité. Les pas continuent. Je me cache de nouveau.
J'entends qu'on parle. Mais pas une langue que je connais. Une langue qui m'est inconnue. Ce n'est pas du français. C'est gras. C'est inconnu. Je ne comprends rien. Et ça m'angoisse davantage.
Je sors de nouveau de ma cachette. Je pense apercevoir, derrière les barbelés, comme des tranchés. Oui c'est ça. Les fameuses tranchées. Mais des tranchées qui ne sont pas françaises. Et elles sont drôlement près du village ! Mon cœur s'accélère à cette pensée.
Par peur, je deviens maladroite. Je marche sur une branche et trébuche par la suite au sol. Les hommes s'interrogent. Du moins, je pense. Ils me cherchent. J'en suis sûre ! A ce moment-là, je vois qu'ils s'approchent du barbelé, la fameuse limite entre leur camp et la foret dans laquelle je suis. Je pense que je vais mourir ici même. Mourir dans un silence affreux. Mourir comme une fleur assoiffée.
VOUS LISEZ
Le jardin de mon coeur
Ficción histórica"Je m'appelle Ange. En 1944, mon jardin était tout pour moi. Jeune femme de la campagne, je n'avais conscience ni du danger ni du coup de foudre. Qu'est ce qui est le pire dans cette histoire ?" Mais bon, ce ne sont que des bouquets de fleurs, non? ...