Chapitre 4: Je ne suis qu'une maudite fleur

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Mes yeux s'ouvrent sous les premières lueurs du jour. Je reconnais alors la chambre. Rapidement, je comprends. J'ai dormi dans le même lit que Julien ! Me diriez-vous ça parait logique quand on est mariés. Mais pas dans de telles conditions !

Je me calme rapidement en tournant mon regard vers le bureau, face au lit. Julien est assis derrière celui-ci. Silencieux, une cigarette entre les lèvres, sa main danse avec adresse sur le papier. Je me redresse et baille alors, essayant de lui faire remarquer ma présence.

« -Bonjour...

-Ah bonjour.

-C'est vous qui m'avait amené ici ?

-Bien sûr. Vous vous étiez encore endormi sur le canapé... »

Je me frotte les yeux. Quelle heure est-il ? J'ouvre grand les yeux. 10h30. Mais ce n'est pas possible ! Il est si tard que ça. Je me lève rapidement et manque de tomber, ce qui n'échappe pas au Parisien, me détaillant du regard avec un drôle d'air.

« -Pourquoi vous êtes si pressée ?

-Il est 10h30 ! Je n'ai rien fais. J'ai des tas de choses à faire. Bon sang !

-Calmez-vous, il n'y a pas mort d'hommes voyons !

-Pour moi si ! Je dois vite me préparer !

-Cessez de geindre, vous me donnez mal au crâne ! »

Les hommes ne comprennent rien. Mais les femmes ont des impératifs. Je fonce vers la salle d'eaux. Je n'ai pas le temps. Je dois vivre chaque seconde. Et ce depuis l'aube. Je m'habille rapidement d'une simple robe blanche avec un chignon. Je rejoins de nouveau Julien dans la chambre.

« -Vous dessinez quoi ?

-Rien de spécial. J'ai du mal à trouver l'inspiration.

-Vous devriez aller vous promener dans le village. Il y a des tas de beaux endroits.

-Sans façon. Je préfère rester ici. Ce serait une perte de temps.

-Bien. Je vous laisse. Je dois aller travailler ! »

Ainsi, je descends à la va vite les marches, manquant de m'écraser à la fin. J'enfile rapidement mes chaussures et mon manteau. La porte claque. Je cours vers mon cabinet à toute allure. Mon destin m'appelle.

« -Je ne la comprendrais décidément jamais, misère... »

Le Parisien crache une bouffée de cigarette et reprend son dessin. Son jardin secret. Chacun son jardin. Et en parlant de jardin, il dessine justement celui-ci. Avec des tas de fleurs. De couleurs. Les bois en arrière-plan. Mais ça, il ne l'assumerait jamais.

**********************

14h16, au cabinet d'Ange

« -Je vais vous prescrire une radio. Je pense que votre os est cassé.

-Mais je fais comment moi ? Il n'y a pas de radio dans le village, n'est-ce pas ?

-Non, en effet. Il faut que vous alliez à l'hôpital.

-Ils ont sûrement autre chose à faire là-bas. Mais d'accord. Merci Mademoiselle... »

La vieille dame reprend sa canne et marche difficilement. La guerre ne fait pas les pires blessures de guerre. La vieillesse est toute aussi cruelle... Je me rends dans la salle d'attente, il y a encore du monde à foison. Je ne vais jamais m'en sortir. Surtout avec tout ce retard...

Mon attention dérive vers la fenêtre. Tandis que les patients m'harcèlent pour des demandes en tous genres. Mais je n'écoute pas. Julien est assis sur un banc, face à la fontaine. Encore penché sur son carnet à dessin. Un sourire s'étend sur mon visage.

Le jardin de mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant