Chapitre 17: L'innocence de la jonquille

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1940. J'avais 19 ans.

Cela faisait un an que j'avais incorporé une unité spéciale au sein de l'armée, en tant que jeune infirmière bien sûr. Je ne savais plus trop où aller finir ma vie. Encore plus depuis un moment. Depuis le moment où j'ai malheureusement rencontré la mort. Et quand on rencontre la mort, on pactise avec le diable dans le même temps.

J'étais épanouie dans mon travail. Même si mes rêves d'enfant étaient brisés à jamais. Des hommes revenaient du front, des balles de partout, des visages méconnaissables. Forcément, on ne rêve plus de princesses ni de bouquets de fleur. On veut juste que tout s'arrête. Immédiatement. Sans tarder.

Mais ça n'a pas été ma pire erreur de panser les plaies des autres sans n'attendre rien en échange. Non, ça passe encore. Le pire est à venir. Quand on ne voit pas l'ennemi arriver. Et qu'on est de dos. On ne voit rien. On regarde l'horizon avec sérénité. Jusqu'à ce que le poignard s'enfonce dans la chaire.

Vous pensez que les diables sont Allemands ? Vous vous trompez. On pense toujours que l'ennemi est celui qu'on voit. Sottises. On ne s'attend pas à ce genre d'ennemis. La France a des tas d'ennemis, croyez-moi, ce sont alors mes ennemis aussi.

Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Dans une tente, j'accueillais des blessés. Je leur offrais quelques soins et un grand sourire pour leur éviter d'atroces souffrances. Il m'est arrivé de dos. Un gradé de l'armée française. Immense. Aux yeux bleus. Dans un uniforme parfait. Avec des tas de médailles sur sa veste. Vous voyez le prince charmant ? C'était lui en personne. Enfin presque. Il n'avait pas de cheval blanc.

Je suppose que vous voyez le truc arrivé. Forcément. Quoi que, il pourrait passer son chemin. Qu'est ce que j'ai de plus qu'une autre ? Qu'ai-je d'intéressante ? C'est vrai, je plante des seringues dans des bras, point. J'ai des cheveux roux qui sont synonymes de malheur, d'un feu ardent. Alors pourquoi moi ? Parce que j'étais la victime idéale.

« -Je vous aime Ange... »

C'était la première fois qu'on me disait ça. Les yeux dans les yeux. Et c'est la première fois que je ressentais ce truc, l'amour. C'est magnifique. Un des plus hauts gradés dans l'armée française tombe amoureuse d'une infirmière ridicule, c'est parfait, ça envoie des confettis à tout va et même de la barpapa, c'est sucré, c'est doux, c'est enfantin.

Mais, c'était aussi la première fois où j'ai ressenti la pire douleur au monde. L'homme que j'aimais le plus m'a infligé les pires supplices. Quand je vous dis les pires supplices, c'est vrai. Même le Diable en personne n'aurait jamais pensé à ces choses...

« -Quand vous parlez de supplices Ange, vous parlez de quoi au juste ? »

Julien me regarde, le cœur cognant avec force dans sa poitrine. Tandis que moi, je fonds en larmes, une fontaine, qui ne s'arrête pas. C'est alors qu'il me prend dans ses bras pour tenter de me consoler. Mais c'est foutu.

« -Je... Oui... Il m'a fait du mal... Beaucoup de mal...

-J'ai compris Ange. Je l'ai compris. Mais comment ? Il vous a frappé ?

-Non...

-Je ne vois pas alors, soyez plus clair... »

Je ne peux pas être plus claire. Parce que mon esprit baigne dans la noirceur, dans une pièce où il fait tout noir. Je ne peux pas. Je me blottis davantage contre le torse de Julien, je vais ruiner sa chemise par mes larmes.

« -Vous savez ce que c'est Julien de faire l'amour ? Parce que moi, non...

-C'est quoi le rapport ? demande Julien, surpris.

Le jardin de mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant