Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en cours

Série noire sur la glace

Les locaux attribués au responsable du CIO étaient austères, des murs bruts et froids avec une seule couche de peinture blanche. Cette sévérité apporta d'emblée un surcroît d'autorité à l'apparence effacée de Stefan Pavnic lorsqu'il rejoignit ses invités dans son bureau.

Il ôta son bonnet, en exhibant sa calvitie avancée, et s'installa à son bureau en invitant Célia à les rejoindre, lui ainsi que Milan Lazsco, lequel se contentait d'attendre d'un air désœuvré.

Célia obtempéra. Voyant que Milan ne se décidait pas à intervenir, bien qu'un peu surprise de son manque de volubilité, c'est elle qui prit la parole. Elle le fit en désignant les articles de journaux épinglés au mur.

  – Voilà qui est plutôt instructif, déclara-t-elle. Quoiqu'il manque dans tous ces articles un mot essentiel, qui les relie mais qui n'est jamais prononcé.
  – Lequel ?
  – "Malédiction" !

Pavnic fit la grimace et s'adressa au tandem qui lui faisait face.

  – Croyez-vous qu'une telle succession d'événements relève de la malédiction ? s'enquit-il.
  – La série de coïncidences ne serait pas à exclure, dit Célia. Si vous n'aviez fait appel à Milan.

Un léger sourire éclaira le visage de Pavnic, bien que sans parvenir à chasser son inquiétude latente.

  – En effet, nous nous trouvons face à une situation épineuse, déclara-t-il. Nous pensons que cette affaire dépasse les capacités de la police ; mais d'un autre côté, le CIO, malgré tous ses moyens d'investigation, ne donne aucun crédit à la thèse de la malédiction.

  – Vous voulez dire que leurs médiums n'ont rien perçu, c'est cela, comprit Célia en jetant un regard vers Milan.

Stefan Pavnic réitéra sa grimace.

  – Oui, je vois que vous êtes initiée. Le Commissaire aux affaires olympiques Mendel Furam est le responsable de la cellule de surveillance et de régulation : en réalité le chef des médiums si vous préférez. J'ai régulièrement affaire à lui. Il m'a répété de vive voix ce que l'on comprend à mi-mot dans ses déclarations à la presse : s'il est inquiet, pour l'instant, il ne perçoit nulle magie à l'œuvre. Quand il nous "invite à la prudence", il faut entendre en réalité que nous devons protéger nos athlètes par nos propres moyens.

  – C'est pourquoi vous avez engagé Milan, dit Célia. Mais si vous l'avez fait, c'est que vous aviez matière à soupçonner quelque chose d'anormal, n'est-ce pas. Supposez-vous seulement, ou disposez-vous d'une preuve ?

  – C'est compliqué... dit Pavnic en désignant les articles affichés sur les murs. Les apparences sont ambiguës. La première patineuse est certes morte, mais la seconde s'est blessée dans ce qui ressemble à un accident de voiture, et quant à Mlle Fitzgerald, son forfait serait d'origine psychologique. Dépression, stress de la compétition, voire un dopage hormonal mal dosé...

  – Qu'est-ce qui dans ce cas vous permet de penser que cela dépasse le stade de la coïncidence ?

 – Les autorités chinoises font le blocus sur l'accident de voiture de leur athlète, et la mort patineuse russe est affichée comme un accident. Soi-disant, elle patinait sur le Lac Ladoga lorsque la glace s'est brisée. L'accident n'est pas impossible. Mais à cette époque de l'année, la glace du lac est solide, et... le black-out total autour de cette mort, notamment l'interdiction de voir son corps, me pousse à la méfiance.

  – Que soupçonnez-vous ?
  – Disons que je n'élimine aucune hypothèse.

Ces paroles poussèrent Milan à intervenir depuis son siège.