Tourbillons

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Le hameau se nichait au creux d'une vallée isolée du Caucase. Il se situait à l'Est de Krasnaïa Poliana, cent kilomètres à vol d'oiseau de la région d'Adler, où se déroulait l'événement d'ampleur mondiale bien connu ; mais en raison du relief accidenté et de son isolement, il aurait bien pu se trouver à l'autre bout du pays.

Il s'agissait juste de quelques baraques anciennes se mêlant à la forêt épaisse, sans réellement de rue pour les relier, juste la route endommagée qui les raccordait au reste du monde. Les volets étaient clos, les façades lézardées. Elles semblaient abandonnées. Et pour ajouter à cette sensation d'abandon, une tempête avait obscurci le ciel, atténuant considérablement la lumière du jour.

Le vent durcissait. Des flocons tourbillonnaient, une pellicule blanche recouvrait les toits. La température avait décru de plusieurs degrés en l'espace de seulement quelques minutes. Les premières rafales balayaient les cimes des arbres alentours.

La Sentinelle Antonia Papadopoulos avançait sous cette averse de neige, en direction de la seule maison du hameau qui semblait habitée. Ses pas ne laissaient pas encore de traces, la neige commençant tout juste à blanchir le sol.

L'investigatrice avait préparé ses munitions. Elle venait chercher son compère Todor Kirilov, tout en se doutant qu'il avait des ennuis. Elle avait sous-estimé l'ermite qui leur avait rendu service à leur arrivée, ou peut-être surestimé la capacité de l'amulette de Esra à identifier l'Esprit de la Forêt. Qui d'autre que cet autochtone pouvait dissimuler l'identité de l'être qu'ils cherchaient ? Simplement, songeait Antonia, peut-être que sa nature véritable ne se manifestait qu'en présence des tempêtes. Tempête prédite par le détecteur de Pavlo, soit dit en passant, qui finalement les avait bien dirigés au bon endroit.

Prête à tout, mais s'efforçant pourtant de ne pas montrer d'agressivité, Antonia pénétra dans la maison sans arme apparente : seulement ses fléchettes dissimulées et sa lampe torche. Elle fut tentée de frapper tout d'abord, mais la porte restée grande ouverte, et les bruits sourds qu'elle entendait résonner à l'intérieur, la poussèrent à faire preuve de circonspection.

Elle entra donc armée de méfiance, fit plusieurs pas dans le hall sombre et étroit de la maison. Les bruits venaient de sa droite, où s'alignaient plusieurs pièces en enfilade. Dès la première, Antonia dut retenir sa surprise : un corps se trouvait là, au sol, et ce corps n'était autre que celui de l'ermite lui-même !

Elle se pencha vers lui, sans cesser de surveiller la pièce suivante, dont provenaient les coups sourds. L'ermite n'était pas mort, mais sa respiration faible, et son crâne enflé. Il avait été frappé avec violence. 

Antonia n'eut cependant pas le temps d'élucider ce mystère. Subitement, une forme passa devant l'ouverture de la porte suivante. Il y eut un chuchotement, puis les coups répétés s'arrêtèrent. Antonia comprit qu'elle avait été repérée.

Brusquement, deux formes bondirent par l'ouverture. L'investigatrice eut juste le temps de brandir le faisceau de sa lampe au magnésium. Les deux créatures émirent un cri de douleur et interrompirent leur attaque. Antonia profita de ce répit pour contre-attaquer. Sa première fléchette toucha l'une des silhouettes qui s'enfuit en poussant un hurlement strident. La deuxième fit de même en évitant le second projectile empoisonné.

Il y eut de grands bruits, et les formes gesticulantes bondirent par une fenêtre de la pièce adjacente en répandant un bruit de verre brisé. Antonia suivit avec prudence, ne voulant pas s'exposer à une mauvaise surprise. Elle découvrit alors dans le salon qui venait après, la fenêtre brisée, et sur la façade opposée, une porte martelée de coups, qui semblait mener à la cave.

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant