Roman Benedict

19 3 0
                                    



Après une correspondance par l'héliport, Milan fut conduit au nord de Sotchi par la voie des airs. Il ne lui fallut guère de temps pour atteindre sa destination. Lorsque son hélicoptère se posa, ils se trouvaient à seulement quelques kilomètres de la station balnéaire d'Adler, dans les premières montagnes. Des lumières indiquaient la présence d'un complexe sportif de taille modeste, qui ne faisait pas partie des installations olympiques, situées plus à l'intérieur des terres, en altitude, à Krasnaïa Poliana.

Ce qui ne manquait pas d'impressionner en revanche, c'est la traînée de lumière suspendue entre les montagnes, visible dans la nuit devenue plus épaisse. Milan avait aperçu cette traînée avant de se poser, et à présent qu'il quittait l'hélicoptère sous les courants tournoyants des pales, il pouvait l'observer depuis son point haut : une longue ligne de lumière partait de leur position pour rejoindre la montagne voisine, suspendue au-dessus du vide comme une ligne téléphérique, ce qu'elle n'était pourtant pas.

L'endroit se nommait Skybridge, il était réputé pour héberger le pont piéton le plus long du monde, avec une longueur de 439 m et une altitude de plus de sept cents. De jour, on pouvait le traverser, et même se livrer à quelques voltiges élastiques. La nuit, il était fermé, mais ses spots brillaient comme une guirlande au-dessus du vide.

Milan gagna un grand chalet de restauration situé à proximité, un endroit très prisé dans la journée, qui à cette heure cependant n'accueillait guère de public. En réalité, si l'on exceptait les hommes de main, certes nombreux, qui gardaient l'endroit, il n'y avait dans le restaurant aux lumières tamisées qu'un seul et unique client.

Ce mystérieux individu avait fait fermer le lieu au public afin de le réserver pour ses seules affaires. Milan lui fut amené, si bien qu'il put s'installer en face de lui. Un verre de vodka l'y attendait, entre plusieurs bougies.

Ils se dévisagèrent mutuellement. L'hôte de Milan irradiait d'élégance, au point presque de le faire passer pour un touriste. C'était un homme d'âge mûr, aux épaules carrées, sans toutefois que sa carrure ne nuise à son allure. Ses traits étaient nets et ses yeux d'un bleu profond, sa coiffure soignée, largement grisonnante, au contraire des cheveux très noirs de Milan.

Ce dernier put admirer le costume taillé sur mesure du personnage, d'un gris anthracite qui tranchait avec une chemise d'un blanc immaculé. L'homme poussait le raffinement jusqu'à exhiber un foulard en cachemire dont les couleurs chaudes contrastaient avec sa tenue. Tout jusqu'à sa montre-bracelet en or blanc et ses boutons de manchette exprimaient le luxe, sans pourtant paraître ostentatoire. 

Milan jeta surtout un regard vers la Chevalière en or du personnage, qu'il connaissait bien, de même que l'homme en lui-même. Il se faisait appeler Roman Benedict et en dépit de son éloignement des projecteurs, c'était une personnalité des plus influentes qui soient.

Sa présence soulevait surtout une partie du voile de mystère qui planait sur cette aventure. Assurément, si une personne en ce bas monde était capable d'obtenir des accréditations sur mesure auprès du Comité Olympique, c'était Roman Benedict.

– Tu aurais pu, au moins, avoir la décence de m'envoyer tes ordres en personne, plutôt que de les faire transmettre par télégramme anonyme, déclara Milan en se débarrassant de son manteau pour s'installer face à son hôte.

– Avec tes mauvaises habitudes de disparaître à tout bout de champ, répondit Roman Benedict, le télégramme reste le moyen le plus sûr de te joindre.

– J'ai déjà présenté mes excuses à qui de droit concernant ma longue absence, dit Milan. Ce n'était pas de mon fait, si tu veux le savoir. Et hormis ce cas précis, j'ai toujours répondu à vos requêtes.

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant