Le cocon de fumée se dissipa dans la salle aux parois de marbre de la Cité vampire dissimulée dans les souterrains au nord de Sotchi, qui abritait l'une des Ruches les plus en vue du Clan de la Mer Noire. En surgit la silhouette désarmée, quelque peu incongrue, et néanmoins charismatique, du businessman connu sous le nom de Roman Benedict.
Il se tenait droit, ses yeux protégés par des lunettes sans teint, dans son costume Armani aux lignes classiques et épurées.
Luwan Mbenga ne comptait pas attendre de savoir l'objectif de cet individu, ni sa dangerosité. Ses lunettes sans teint en tout cas le protégeaient contre les pouvoirs de fascination des vampires. La meilleure défense était l'attaque. Il envoya aussitôt sur lui le plus proche de ses Subsides.
Le subside obéit, privé par son supérieur de la capacité de comprendre que l'attaque pouvait lui être fatale. Il bondit comme la foudre sur l'intrus, qu'il traversa à la surprise générale, en produisant à son contact une sorte d'interférence visuelle, comme un brouillage. Il retomba ensuite de l'autre côté, dans une roulade dont il ne se releva qu'avec difficulté, en se cramponnant le crâne, pris de vertiges.
– Maître Ivaris, je vous en prie, intervint Roman Benedict d'une voix qu'il n'avait pas besoin de forcer pour en exprimer toute la clarté.
Ivaris, le maître de la Ruche de Sotchi, protégé derrière sa grille, dans sa propre loge, plissa alors les yeux d'acceptation. Ses iris émirent une intense lueur orangée, presque phosphorescente. Il inclina son crâne oblong et adressa un geste en direction de son gardien en chef, afin de lui enjoindre de se tenir coi.
Luwan Mbenga en fit donc ainsi que son maître lui avait ordonné. Il décrivit deux pas de retrait, puis rappela ses troupes. Il ne connaissait pas cet intrus, pour sa part, n'étant pas de ce continent ; mais il avait compris qu'il semblait exister une sorte de relation entre son maître et lui.
– Je vous remercie, Maître Ivaris, dit Roman Benedict en s'inclinant avec respect. Je vous présente de même toutes mes excuses pour cette intrusion. C'est l'urgence qui m'amène en ce lieu sacré, car vous détenez des individus qui nous sont précieux, à moi et à la Duchesse Béla Szilvár.
Ces mots déclenchèrent de nombreux remouds dans l'assemblée de vampires. Tous hormis peut-être les Subsides connaissaient de réputation la Duchesse. Prononcer son nom ici avait en réalité une double portée : ce n'était pas seulement une carte de visite, ce n'était ni plus ni moins qu'une forme de menace polie. Par ces mots, l'intrus voulait dire en réalité : "Soyez heureux que je sois venu, et non pas la Duchesse en personne". Et le fait est que nul n'aurait aimé qu'une telle chose advienne. Seul peut-être le Roi du Clan de la Mer noire aurait pu rivaliser avec une telle créature ; et il était bien loin à ce moment.
– Je comprends cependant que ces deux individus vous ont agressé, reprit Roman Benedict. La Stryge, notamment. Ce pourquoi j'ai apporté pour vous un présent, en échange de leurs méfaits.
Luwan Mbenga comprit. Roman Benedict était donc venu passer un marché avec le Maître de la Ruche de Sotchi. Il n'avait pas à formuler de jugement sur cette question, n'étant qu'un mercenaire ; mais il suspectait qu'il s'agissait d'un marché qu'en réalité le maître Ivaris ne pouvait pas réellement refuser, dès lors que la menace de cette Duchesse planait au-dessus de leurs têtes. Cependant, l'intrus manifestait la décence, et le savoir vivre, de dissimuler cette vérité derrière un cadeau.
Roman Benedict sortit une fiole de son costume, un petit flacon de verre épais, transparent, d'une dizaine de centimètres, étroit au niveau du goulet, sans partie plane à sa base. A l'intérieur de la concavité figurait une minuscule tache rouge, qui donnait l'impression d'avoir été fondue directement à l'intérieur du verre. La fiole n'avait pas de bouchon : il fallait briser son col supérieur pour l'ouvrir.
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Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en cours
ÜbernatürlichesVous connaissez Milan. Il va, il vient... des fois il disparaît ; mais il revient toujours. Ce que je me demande, c'est la véritable raison qui l'amène à Sotchi, là, maintenant, en plein Jeux Olympiques d'Hiver... (Toute ressemblance avec des événem...