Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en cours

Confidences

L'annonce, dans l'après-midi, du terrible décès de la patineuse coréenne Min-Ji Choi, surnommée la Reine de la Glace, et potentielle médaille d'or de la compétition, avait provoqué un véritable raz de marée au sein de la communauté de patinage artistique.

Ce drame avait trouvé écho à l'échelle mondiale, en l'espace de quelques minutes après son annonce. Le monde du sport, tout entier, et encore davantage le microcosme des jeux olympiques, furent secoués par un séisme sans précédent.

La thèse du suicide semblait si criante qu'elle ne fut pas discutée, et pourtant, une double enquête avait aussitôt été ouverte pour élucider les motifs de cet acte : une se déroulerait en interne du CIO et une autre fut annoncée dans la foulée, par les instances sportives internationales.

Toutes deux mettraient probablement des semaines, voire des mois, des années, avant de tirer leur verdict. Cependant, outre les pleurs, les voix médiatiques les plus fortes reportaient déjà la responsabilité du suicide sur le milieu de la compétition sportive à haut niveau. On s'interrogeait sur les pressions subies par les athlètes d'élite. On soupçonnait des formes d'influence délétères, ou une perversion du système, liées aux problèmes de la monétisation ou du dopage, notamment.

Au coeur de la tourmente, le CIO n'avait pu faire autrement que de réagir de manière claire et forte. Mendel Furam et ses pairs à la tête du CIO ne pouvaient bien évidemment dénoncer leur réseau de médiums ; et pourtant, Oleg Volkov avait été immédiatement pointé du doigt. Tout avait été mis en œuvre pour l'arrêter. Milan savait que Darno Warren et Célia participaient à cette traque.

Face aux médias, le CIO avait réagi également de manière prompte. Ils devaient ménager à la fois les obligations politiques et économiques, qui nécessitaient de ne pas ou quasiment pas interrompre les compétitions, et ménager l'opinion publique, laquelle réclamait des comptes. Ils s'acquittèrent de cette seconde partie en annonçant des funérailles officielles ainsi qu'une série d'actions allant depuis le soutien psychologique aux athlètes, jusqu'aux manifestations en hommage à la championne.

Parmi ces mesures, des psychologues furent envoyés en priorité auprès des patineuses les plus en vue. Ils avaient pour objectif d'amoindrir le choc émotionnel, tant concernant le drame, qu'à l'encontre de cette fameuse "série noire" qui submergeait les réseaux sociaux. Chaque seconde, de nouvelles théories conspiratrices, toutes plus extravagantes les unes que les autres, balayaient la toile. Et l'ironie, pour cette fois, songeait Milan, c'est que la réalité risquait d'être encore plus extravagante que toutes ces élucubrations...

C'est ainsi qu'à peine deux heures après le drame, des psychologues du CIO débarquèrent auprès de toutes les délégations de patineuses de haut rang. Ils avaient ordre d'intervenir de pair avec les propres équipes médicales et psychologiques des délégations concernées, mais ces dernières ne pouvaient refuser leur venue, ce qui fut finalement moins perçu comme une aide qu'une intrusion.

Milan vit donc apparaître Marci Walker, une psychologue américaine d'une cinquantaine d'années, sillonnant les couloirs du CIO depuis de nombreuses sessions olympiques. Aux JO de Pékin, en 2008, elle avait brillé par sa capacité à remettre sur pied un athlète qui avait été ensuite médaillé. Depuis, elle était devenue une sorte de gourou haut placé au sein de la cellule d'urgence du CIO.

Marci Walker était petite, les cheveux gris, courts, plaqués sur un front autoritaire. Sa réputation de compétence s'accompagnait d'un port altier et d'une expression de visage sévère. Certes très professionnelle dans ses paroles comme dans sa gestuelle, plutôt qu'empathique, elle semblait tenace et méthodique.