Le Plan

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Ce soir là, le samedi 15 février, le stade Iceberg était désert. Plongé dans la nuit, il donnait l'impression de récupérer ses forces. Il avait accueilli le programme libre de patinage "Messieurs" la veille, dans des conditions précaires, sur une glace tout juste réparée après le sabotage dont il avait été victime. Il accueillerait la compétition de Danse sur glace le lendemain. Entre les deux, il subissait tout le poids des événements récents.

En effet, après le drame de l'après-midi, son repos souffrait d'une atmosphère funeste, pour ne pas dire morbide. Le monde du patinage était accablé par la succession d'événements ayant mené à la fin tragique de la Reine de la Glace. La malchance, disaient certains, une malédiction, pour d'autres. Ces événements avaient non seulement attiré sur le stade l'attention du monde entier, mais surtout l'incrédulité et l'effroi.

C'est pourquoi, ce soir, le Centre Iceberg semblait simplement maudit. Des ombres recouvraient la surface blanche, et seuls quelques techniciens sillonnaient sa glace. Dans les gradins, trois ou quatre vigiles du CIO. Et dans la salle de contrôle, les responsables de la compétition semblaient plus moroses encore.


C'est à cet endroit, surplombant la piste, que travaillait l'équipe sous les ordres de Pavnic. Depuis l'extérieur, on pouvait les apercevoir au travers des vitres. Ils officiaient dans un silence inquiet, en échangeant que le strict minimum.

A l'extrémité droite de la salle de contrôle se trouvait la table des juges, aujourd'hui occupée par le clan restreint de Pavnic. Irina et Evgenia étaient assises, face à un émissaire du CIO. Pavnic se tenait debout aux côtés de l'émissaire. Ni le coordinateur ni le kinésithérapeute n'étaient présents. Milan Lazsco lui, l'était, mais restait un peu à l'écart, face à la vitre panoramique, plongé dans la contemplation du miroir de glace sous leurs pieds.

L'émissaire du CIO, n'était pas Darno Warren, mais un autre responsable des services de sécurité nommé Randolph Diogene. Un britannique d'environ 45 ans, aux épaules larges et aux cheveux raz, cheveux blonds, le teint rouge. Il expliquait aux membres du clan Pavnic qu'avec la mort de Oleg Volkov, les choses allaient rentrer rapidement dans l'ordre. Milan le laissa parler sans rien dire. Ce n'est qu'à la fin du speech de l'individu qu'il émit un soupir.

– Quelque chose à rajouter, Monsieur Lazsco ? demanda l'agent sur un ton clairement peu patient.

Le britannique n'était pas Darno Warren, mais avait été briefé comme lui sur la présence de Milan Lazsco et les enjeux plus larges de leur affaire. Il savait devoir le supporter, mais n'en espérait pas moins pouvoir l'évincer.

– Vous ne croyez pas que cette histoire soit terminée, c'est cela ? dit-il encore.
– Pour savoir, en général, je regarde le nombre de pages qu'il reste à lire... fit Milan.
– Est-ce que vous ne seriez pas plutôt en train de vous accrocher à votre job, en craignant qu'il ne vous échappe ? 

Cette fois, Milan émit un petit rire.

– Jouons carte sur table, riposta-t-il. Sans ma coéquipière, Oleg Volkov serait encore libre comme l'air, alors commencez par m'épargner vos couleuvres. Ensuite, vous savez pertinemment que Volkov ne s'est pas déguisé en SDF pour venir ici l'autre soir. Je ne suis même pas certain que le médium ait... provoqué la mort de la pauvre Min-Ji Choi. Paix à son âme. 

– Bien entendu, la thèse du suicide reste tout à fait possible, dit l'agent britannique, semblant bien connaître les fragilités de son réquisitoire. Quant à votre SDF, eh bien, si cela vous chante, je vous le laisse. M. Furam m'envoyait simplement pour vous rassurer sur l'avancement de cette affaire. Nous laissons ici deux agents pour votre sécurité, Mlle Loubrovna, dit-il à l'intention de la patineuse. Comme nous l'avons fait pour toutes vos homologues. Si vous désirez conserver malgré tout M. Lazsco, alors, cela vous regarde.

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant