Le Refuge

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Montagnes du Caucase - Nord de Sotchi
14 février 2014


Antonia Papadopoulos sortit du refuge en pestant sur le mauvais sort. Elle n'était pas très loin de Sotchi et des Sentinelles, mais se sentait au bout du monde dans cet endroit perdu au milieu des montagnes hivernales.

Elle profita de sa sortie pour prendre une bonne bouffée d'oxygène après l'air vicié du refuge. Derrière elle, de la fumée sortait par la cheminée de la petite bicoque, aux parois constituées de planches de bois vermoulues. C'était une fumée noire qui retombait sur les flancs pentus de son toit dépourvu de neige, comme si elle ne parvenait pas à s'élever dans le ciel. La petite clairière était polluée par ces émanations au point que la luminosité du jour semblait ternie.

Oubliant un instant ses déboires, la Sentinelle fit quelques pas pour rejoindre le véhicule tout terrain qui les avait amenés jusqu'ici. Un UAZ Patriot robuste, d'un blanc maculé de boue, avec ses pneus épais et sa suspension surélevée. Les vitres étaient teintées et l'habitacle renforcé. Heureusement, Todor n'avait pas jugé bon le verrouiller aussi l'absence de son compagnon n'empêchait pas l'investigatrice d'y accéder.

A côté de leur gros véhicule se trouvait une Renault Logan de location, beaucoup plus modeste : celle des deux touristes. Antonia remarqua qu'ils avaient tendu des voilures à l'arrière du véhicule. Peut-être dormaient-ils à bord de l'engin ?

Sans s'en préoccuper, Antonia récupéra son chargeur de téléphone à bord du tout terrain et se mit en quête d'une source d'électricité à laquelle le raccorder. Elle répugnait à utiliser la batterie du véhicule, privilégiant le bon fonctionnement de leur UAZ à celui de son téléphone - elle craignait surtout de se retrouver coincée dans ce trou perdu plus longtemps que prévu.

Dans le coffre, elle trouva une batterie portable. En la saisissant, Antonia jeta un oeil sur la grosse malle qui servait de réceptacle au bidule/détecteur de tempête de Pavlo. Enfin son "détecteur de tempête"... du moins, soi-disant, parce que de tempête, il n'y en avait aucune trace dans le ciel. Peut-être juste, par rapport à leur arrivée, une heure plus tôt, y avait-il un léger voile nuageux. Au départ, Antonia avait cru qu'il s'agissait de ses propres fumées intempestives, mais le ciel se couvrait légèrement.

Le bidule de Pavlo quant à lui en question clignotait toujours plus fort... Antonia poussa un nouveau soupir devant l'appareil détraqué et referma le coffre en emportant seulement la batterie portable.

Lorsqu'elle regagna le chalet, elle lança un regard en contrebas de la petite route caillouteuse qui l'avait amenée ici. Leur refuge était isolé, cette route menait à un petit hameau, cinq à six cents mètres plus loin, dissimulé par le couvert des arbres. C'est là que s'était rendu Todor, plus d'une heure plus tôt, en accompagnant un natif de la région, un vieil homme ermite sur les bords. Todor avait accepté de dépanner l'individu d'un ennui mécanique - d'éolienne avait-il compris - en échange d'un peu d'essence.

Antonia aurait préféré voir revenir son comparse, mais ne chercha pas à se diriger vers le hameau pour autant. Elle avait laissé son manteau à l'intérieur du refuge et n'aspirait pas à bivouaquer dans la nature. Todor était un grand garçon, il savait se débrouiller.

De retour dans le chalet, la fumée sembla avoir légèrement diminué. Rien d'étonnant avec ce qui se déversait dehors. Peut-être du bois trop humide, songea-t-elle, avec le peu de connaissances qu'elle possédait à ce sujet. Il avait fallu attendre que le tirage se fasse correctement.

A l'intérieur, les deux touristes ne semblaient aucunement incommodés pour leur part. Ils s'étaient installés dans un angle de la pièce et parlaient à voix basse, autour de ce qui ressemblait à une carte de la région.

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant