Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en cours

L'Interrogatoire

Célia passa devant une cellule transversale de la Caverne des Sentinelles dont provenait une lumière rouge de faible intensité, un peu comme celle des laboratoires photographiques. Les cellules s'échelonnaient de chaque côté du grand corridor voûté constituant l'épine dorsale de leur repaire souterrain, et aucune d'entre elles n'était destinée à la même activité. Celle-ci avait la particularité d'accueillir deux hôtes très spéciaux depuis la veille : deux hybrides, des êtres humains partiellement transformés par du sang de vampire, de manière à faire d'eux des esclaves dociles.

Célia jeta un œil par l'ouverture. Aucun surveillant ne se trouvait dans la pièce, mais des caméras et des appareils fonctionnaient tout seuls. Les deux touristes norvégiens contaminés par Radu Basarab étaient solidement attachées par des sangles. Ils donnaient l'impression de respirer difficilement sous la lumière rouge. Et les perfusions attachées à leurs avant-bras avaient une couleur sombre.

Célia comprit en voyant les nombreux sachets de sang, et le contraste de couleur entre le sang entrant et le sang sortant de leurs veines, que la Sentinelle Ayman Hassan, le spécialiste biologique du groupe, tentait de les sauver par une perfusion sanguine.

Célia gagna la salle commune où, pour une fois, l'entièreté du groupe semblait présent. Les Sentinelles faisaient face, gravement, à une projection murale qui ressemblait à une présentation météorologique. Et en réalité, c'était quasiment cela, à quelques détails près...

– Nous voyons sur la carte que les foyers de tempêtes se déplacent vers le sud depuis hier, comme il l'a dit, annonça le meneur, Sergi Guerra. Tout se passe comme si Leshy ignorait Krasnaïa Poliana, qu'il a simplement contournée, pour se rendre sur la côte, vers Adler, là où il fera le plus de dégâts. Ce comportement n'est pas de très bonne augure... Je ne pense pas que cet Esprit Frappeur va abandonner, ni qu'il bluffe, je pense qu'il va continuer. Qu'en dis-tu Esra ? 

– Ce serait mal connaître Leshy ou les siens, et considérablement les sous-estimer, de penser qu'ils n'iraient pas jusqu'au bout ou trahiraient leur parole, répondit la Şahmeran sur un ton à la fois grave et calme.

– Combien de temps mettra-t-il à atteindre la côte ? s'enquit encore le meneur.

– A ce rythme, trois ou quatre jours, dit Maria. C'est étonnant qu'il progresse aussi lentement, d'ailleurs. Manifestement, il franchit les montagnes à pied. Pourquoi n'a-t-il pas repris la voiture du technicien météorologique qu'il possédait ?

– Il faut comprendre plusieurs choses sur l'Esprit de la Montagne, expliqua Esra  Gökce. Une fois qu'il se métamorphose sous sa forme originale, et Antonia ainsi que Todor ont constaté qu'il l'avait fait, il ne peut revenir en arrière. Il a détruit la forme humaine dont il s'était emparé. Ce n'est pas un loup garou ou ce genre de créatures. Et quoi que vous pensiez de lui, Leshy n'est pas un tueur. Il est en colère, certes, mais il ne tuera pas un être vivant pour s'emparer de son enveloppe.

– Il l'a pourtant bien fait pour le technicien météorologue.

– Je veux croire qu'il s'est emparé du corps de cet homme au moment où il mourait. Victime d'un accident, ou d'une attaque d'ours, je l'ignore. Mais je pense qu'il ne l'a pas tué, de la même manière qu'il ne tuera pas un autre individu pour prendre une forme plus pratique, lui permettant de se déplacer en voiture. Quelques jours, pour quelqu'un qui vit depuis des éons, c'est juste une poignée de secondes. Il n'est pas pressé.

– Il n'y a pas de manière de l'arrêter, n'est-ce pas ? dit Sergi.

Esra Gökce ouvrit de gros yeux à cette question.