Chapitre XII : « Je te rends nerveuse ? »

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-Je n'ai pas très faim, tu sais.

Mes amis devaient sûrement m'attendre, mais Ronal refusait de me laisser les rejoindre le ventre vide.

Hier, après cette crise qui m'avait pris à l'arbre des esprits, Ao'nung avait été le premier à nous accueillir sur l'une des passerelles.

Il nous a confié avoir eu comme un mauvais pressentiment, et ne parvenait pas à rester statique dans le marui qu'il partage avec les parents.

Alors, il a fait comme il a toujours su faire, rester avec nous jusqu'à ce que l'on s'endorme. Il avait beau être bête sur certains points, jamais on ne pourra lui reprocher son rôle de grand frère.

-Un ventre vide n'est pas apte à combattre.

Je roulais des yeux. Elle avait raison, comme toujours. Mais qu'est-ce qu'elle voulait combattre, en pleine éclipse. Il n'y avait aucun danger à l'horizon.
Et heureusement, j'avais assez donné pour le moment.

-Je mangerais en rentrant, promis.
-Nuralessa te Ikra Ronal'ite.

J'adorais comme je détestais la manière dont elle me grondait, sans dire le moindre mot. Seulement un nom de famille, qui rendait joie mon coeur, de me rappeler à chaque fois qu'elle me considérait comme son troisième enfant.

Je ne put réprimer un sourire, soufflant pour moi-même, avant de la suivre jusqu'au point de rassemblement.

Ça faisait un moment que je n'avais pas mangé avec ma famille, eux qui avaient déjà commencé, chacun un coquillage en main.

Ce soir, de l'aileron de planeur m'attendait, et je détestais ce poisson. Je ne put réprimander une grimace, alors que Ronal me poussait presque jusqu'au père de famille.

-Bonsoir, tout le monde.

Je faussais un sourire. Les parents n'étaient pas au courant de notre petite escapade de la veille, ils ne devaient pas écailler de soupçons sur mon soudain mal-être.

-Nuralessa, tu nous ferais presque l'honneur de nous rejoindre. Plaisantait Tonowari.

Je pinçais mon sourire crispé, honteuse d'avoir failli leur fausser compagnie.

-Je t'ai préparé ton poisson préféré. Continuait-il.

Certes, ça l'avait été, il y a des années en arrière.
J'en avais tellement mangé que maintenant, rien que de sentir son odeur plutôt particulière, me donnait la nausée.

Mais je devais me montrer reconnaissante. Ce grand guerrier avait toujours prit soin de me traiter en enfant dès que l'occasion se présentait. Bien sûr, il l'avait également fait avec Tsireya, mais elle avait plus de facilité avec la vie ici. De par son corps, beaucoup plus apte à nager et retenir son souffle que le mien.

Prenant une bouchée, les larmes me montaient au yeux. Comme si le plat était bien trop épicé.
Ce n'était pas de la tristesse, mais une forte envie de recracher ce morceau, je ne supportais définitivement pas ce poisson. J'allais en faire des cauchemars.

Ao'nung virait au violet, face à moi. Il contenait son fou rire, accompagné de Tsireya.

Et en faisant les gros yeux à ma soeur, je me retrouvais à les faire à Lo'ak, quelques mètres plus loin. Lui et sa famille se trouvait juste derrière.
Il avait compris lui aussi, observant hilare la scène.

-Tout va bien, 'itetsyip ?

Mes yeux suppliaient Tsireya de me sortir de cette situation. En voyant ça, elle fit signe aux parents qu'elle allait chercher de l'eau, saisissant le récipient presque vide devant elle.

Le don d'Eywa | NETEYAMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant