Chapitre 10

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Je repose mon téléphone sur mon bureau, avant de naviguer sur le site internet de Bio-Tech Cleaning. Je fais une petite recherche, et je constate que c'est une entreprise sérieuse, établie depuis quelques années et qui vient de remporter un appel d'offres avec le quartier général de la police. La concurrence n'est pas tendre avec la propriétaire, Alexandra Rand, la qualifiant au pire de Pute du Crime, au mieux de coucher pour obtenir des contrats. J'aimerai avoir de la pitié, mais ses réponses face à la concurrence sont épiques, comparant le travail de son pire détracteur comme l'oeuvre d'un artiste qui s'ignore, ce dernier laissant des éclaboussures de sang sur les murs en s'imaginant que ce sont des oeuvres d'art.

Je n'ai jamais été attirée par les femmes, mais elle dégage une assurance déroutante. Je comprend que le milieu est glauque et qu'elle est la seule femme à s'y être fait une place. J'aime son côté direct, elle me fait penser à... moi.

Je regarde l'adresse que j'ai prise en note, me demandant ce que je fous. Je vais aller à un rencard avec une femme ? Je ne sais même pas comment imaginer un tel rendez-vous, comment me comporter. Alexandra, visiblement, n'en est pas à sa première fois, elle sait ce qu'elle veut, et là clairement, c'est moi.

« Barnes », dis-je en décrochant en sortant de ma rêverie. « Merci ».

Je regarde mes courriels avant d'ouvrir le fichier joint par le service informatique. Le disque dur ne nous apprend pas grand chose, mon client ne cache rien. Je commence la lecture, mais il y a plus de deux cent pages, aussi je lance l'impression et vais attendre pour récupérer le tout et le glisser dans un dossier, afin de lire et pouvoir annoter.

Je lis mes autres courriels concernant les diverses analyses. Il n'y a rien, aussi j'appelle l'hôtel pour libérer la chambre, puis j'appelle Sergio, lui disant où et quand il pourra récupérer le corps de mon client, moi je ferme le dossier en meurtre non résolu, le rangeant dans une filière qui commence à se remplir. J'ai différents meurtres, exécutés par des femmes qui restent non élucidés. Les modes opératoires sont différents, je n'ai rien pour les attribuer à une seule criminelle. J'ai plusieurs fantômes qui opèrent dans la région, mais je ne désespère pas, à un moment où à un autre, l'une d'elles va commettre une erreur et je serais là ce jour-là. Je m'attèle sur d'autres dossiers lisant des retranscriptions d'écoutes téléphoniques, regardant des vidéos-surveillances pour briser la routine. Ma pause repas est passée avec un casque sur les oreilles pour me couper de l'air ouverte pendant un moment, tout en regardant l'écran de mon ordinateur. Je regarde l'heure sur mon téléphone puis je le repose à plat. Je suis comme une adolescente qui attend qu'un gars l'appelle, sauf que le gars est une femme et que mon rencard est déjà programmé. Si je veux être à l'heure, je dois partir bientôt pour me changer. Bon sang ! Comment est-ce que je dois m'habiller ? Jean et t-shirt moulant ? Celui qui me fait un beau cul ? Est-ce que je veux lui plaire ? En fait, je lui plais déjà. Est-ce que j'ai envie d'essayer ? Bordel ! Je n'arrive plus à me concentrer au point que je fais pause et recule un peu, notant le tome code pour poursuivre plus tard.

Je récupère mon téléphone et vais m'installer dans un endroit discret, la cage d'escalier, pour décommander. Au son de sa voix je perçois de la déception, je me surprend à m'en vouloir de la décevoir, mais elle m'assure qu'elle comprend, rejetant même la faute sur elle. C'est son tempérament de fonceuse.

« Je suis flattée de l'intérêt que tu m'as porté, Alexandra, c'est sincère. Je ne sais pas comment le gérer, mais je te remercie, ça flatte mon égo.

— Tu es une très belle femme, Jillian, et tu as un métier intriguant, je le prenais comme un challenge d'apprendre à te connaître. Bonne soirée. »

Je reste assise comme une conne sur une marche, téléphone en main. Pour une fois que quelqu'un s'intéresse à moi et à mon travail, je me défile parce que c'est une femme. C'est un comble et en plus ça me fait chier de lui faire faux bond. Je retourne à mon bureau, rangeant mes affaires et saluant tout le monde avant de rentrer chez moi.

Je regarde la façade de mon bloc, typique du début du siècle, toute en briques rouges, avec ses escaliers métalliques en façade. C'est un genre de monolithe, on dirait une prison ou un truc d'inspiration Allemagne de l'Est dans ses grandes heures. J'exagère, mon appartement n'est pas si moche, il est lumineux et suffisamment grand pour moi. Le seul truc que je lui reproche, c'est la taille de la salle de bain. Peu importe comment je me place, je touche les murs les bras écartés. Assise sur les toilettes, j'ai le menton dans le lavabo et un pied dans la baignoire. Attention, je ne dis pas que c'est petit, j'ai quand même une baignoire, ça aurait pu être une douche. La cuisine n'est pas grande, j'ai acheté un meuble pour servir d'îlot et de meuble de rangement. Mais j'ai au moins une chambre fermée. Le tout pour moins de deux milles dollars, une aubaine, surtout dans une rue bordée d'arbres. Les avantages, c'est que de l'autre côté de la rue j'ai un restaurant avec des plats pour emporter, le propriétaire et ses employés, sa famille, des pakistanais, sont toujours gentils et serviables avec moi depuis qu'ils ont vu mon badge autour de mon cou. Mon propriétaire aussi est sympathique, s'il y a des réparations à faire dans mon appartement, elles ne traînent pas.

Je mange en écoutant le match des Rangers à la radio et je m'énerve toute seule. J'aurai pu passer la soirée avec Alexandra simplement en amie, au moins je n'aurai pas été seule. Ce n'est pas parce que j'ai accepté son rencard que, forcément, nous aurions été plus loin. J'allume mon ordinateur, et regarde le site de son entreprise, pour m'apercevoir que le siège de son entreprise n'est pas loin de chez moi, à peine une demi-heure à pieds, à quelques rues, cinq minutes en voiture. Je me demande comment elle s'est retrouvée dans cette branche, on ne se réveille pas un matin en se disant : tiens je vais nettoyer des appartements où il y a eu des meurtres pour gagner ma vie car j'aime quand il y a du sang partout. Et en même temps, ce doit être lucratif, elle possède cinq succursales.

Ma soirée est nulle, je regrette, je m'en veux.

Je me change les idées en appelant ma sœur, prenant de ses nouvelles, lui promettant de passer dans la matinée. J'ai au moins cet avantage, je peux faire un détour sur la route. Je lis un peu l'essai de Roberto Piaggi, c'est intéressant. Je me demande si c'est la raison pour laquelle il a été tué, s'il y a des informations là-dedans qu'il aurait dû ne pas découvrir. Je finis par débarrasser ma vaisselle à emporter en jetant le tout dans ma poubelle avant d'éteindre et d'aller dans ma chambre avec la ferme intention de rattraper mes heures de sommeil perdues, mais le visage d'Alexandra s'impose dans mon esprit aussi je fini ma soirée en solo, me masturbant en pensant à cette femme qui a été dans mes pensées toute la journée.

FBI : Dossier 42 - Il suffira d'une balleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant