FBI : Dossier 42 - Il suffira d'une balle

Chapitre 32

Discuter avec les filles me fait réaliser tout ce que j'ai manqué dans ma jeunesse. Elles sont bien plus mûres que je ne l'étais à leur âge. Je n'avais aucune amie. Je passais mon temps libre à me faire baiser par sœur Serenity et ses consœurs, puis à tirer en cachette au lance-pierre. Je n'avais plus de plomb depuis longtemps pour mon pistolet et ma carabine, mon fournisseur ayant disparu après avoir été passé à tabac par les sœurs. Je jouais seule, derrière le cabanon, avec mon couteau, le plantant encore et encore dans un oreiller. Je savais que je n'étais pas saine d'esprit, je ruminais ma vengeance. J'étais seule, toujours seule. Je les écoute parler, défendre leurs idées, je les trouve belles d'avoir des convictions aussi fermes, d'être aussi déterminées. Je réponds aussi honnêtement que possible à leurs questions, sur ma vie, mon milieu professionnel, les embûches que j'ai rencontrées. J'évite de leur dire que je suis une psychopathe et une meurtrière. Heather est curieuse sur ma relation avec sa sœur, sur nos intentions, je réalise qu'elle ne lui a pas dit que nous allions emménager ensemble, je préfère que ce soit Jillian qui lui en parle, mais je lui fait part de mes envies. Je la rassure, je suis contre le mariage, ce n'est pas un bout de papier qui confirmera l'amour que nous nous portons et qui met un prix dessus. Ce que Chloe veut surtout savoir c'est où j'ai appris à cogner, n'osant pas demander que je lui apprenne. Finalement, c'est en pyjama et dans le salon que je leur donne des cours, Heather, connaissant déjà ces mouvements, pratique en me laissant corriger Chloe. C'est ainsi que Jillian nous trouve quand elle rentre, souriante. Elle mange l'assiette que nous avons gardé pour elle pendant que j'entraîne les filles. Chloe avait pris des cours de danse étant enfant, aussi elle est plus souple, plus à même de lever ses jambes tout en restant en équilibre. Je leur donne des bases d'auto-défense et des techniques permettant de bloquer facilement des agresseurs.

Jillian ne dit rien alors que nous laissons les filles aller prendre une douche ensemble pendant que nous préparons le canapé pour en faire un lit confortable. Le câlin de bonne nuit est personnalisé, Chloe me colle, me remerciant des dizaines de fois avant que Heather, jalouse, vienne dans mes bras. Je rejoins Jillian dans la chambre, la trouvant déjà couchée, m'attendant.

« Merci d'avoir veillé sur les filles.

— Tu n'avais pas à me le demander. Tu sais très bien que celui qui forcera ma porte ne s'en sortira pas sans une égratignure, j'ai la loi de mon côté en plus, je pourrais le cogner sans crainte.

— Je savais que cela te ferait plaisir », sourit-elle. « Ton arme, c'est quoi, tu n'as pas pris un gros calibre j'espère comme dans les films.

— Je n'en sais rien », rigolais-je pour l'agacer, « enfin si, comme dans les films », dis-je en me levant, courant vers la commode. « Rand. Alex Rand ! », dis-je en pointant mon doigt. « J'ai pris un pistolet comme James Bond, je ne sais pas ce que c'est comme calibre. Le vendeur a dit blablabla en me montrant des armes, puis James Bond. Regarde ! », dis-je en ouvrant le tiroir de la commode. « Je l'ai mis avec mes culottes. Simple, petit, élégant avec son côté chromé, doté d'une capacité de 10+1... euh... C'est tout, je ne me souviens pas de ce qu'il m'a raconté après.

— Ne pointe pas ça n'importe où, Alex !

— Ne t'en fais pas, je ne l'ai pas chargé, j'ai mis les balles dans le tiroir des soutien-gorges, sous tes soutien-gorges.

— Pourquoi sous les miens ? », demande-t-elle en souriant.

« Pour pouvoir les toucher », dis-je en jetant l'arme dans le tiroir, retournant la rejoindre dans le lit. « Raconte-moi tout, Jillian. Tu as des ennuis ?

— Non, je ne crois pas, mais il vaut mieux être prudente. Ç'a été avec les filles ?

— Oui, elles sont si... différentes de celle que j'étais à leur âge, elles savent où elles vont, elles se fichent des conventions, elles sont déterminées. À quinze ans je ne pensais qu'à m'enfuir de l'orphelinat, et une fois que j'en suis sortie la vie m'a rattrapée, il fallait que je travaille pour me nourrir, me loger, m'habiller. Je me suis faite toute seule, découvrant la vraie vie. Heather et Chloe sont déjà ensemble, formant déjà une équipe dans la vie. Elles sont très motivées et engagées. Elles planifient déjà l'après Columbia, quand elles seront diplômées. Elles veulent ouvrir un cabinet ensemble et défendre les causes des femmes, elles veulent se battre contre le système. Tu les aurais entendues, elles y sont déjà. Ce sont elles qui y parviendront peut-être et je me dis que nous n'avons pas le droit de les empêcher d'y arriver, nous devons les aider à se lancer. Toi, tu en as les moyens. À ton niveau, tu peux peut-être aussi faire changer les mentalités, ne plus te contenter de jouer la plante décorative dans des conférences de presse, mais la prendre en main. Utilise ton expertise. Les médias te soutiendrons si tu te fais réprimander. Comme le disent les filles, nous ne sommes plus dans les années cinquante, il est temps de le rappeler aux hommes. Tu es plus que compétente.