Chapitre 19

133 13 0
                                    

Je le savais. à peine me suis-je garée dans le parking que j'étais persuadée que tout le monde allait se foutre de moi. Ça m'énerve car, malgré mes compétences, on ne me prend pas au sérieux à cause de moments comme celui-là. Paul sait qu'il va falloir éviter de me provoquer sur le sujet, nous en avons déjà parlé longuement, mais c'est plus fort que lui, il faut qu'il fasse le pitre, des blagues misogynes surtout. Mais aujourd'hui je ne suis pas d'humeur, vraiment pas.

« Moteur, ACTION ! », entends-je en sortant de l'ascenseur. « Elle arrive sur la scène de crime, le vent souffle dans sa longue crinière, la faisant onduler, elle s'accroupit pour regarder la victime puis se retourne vers les journalistes qui veulent avoir son avis. » Je regarde un collègue allongé par terre, Paul se tient derrière un autre collègue assis sur sa chaise et le déplace, simulant un caméraman. « Elle s'approche des micros des journalistes, la démarche fluide, quasi féline. « L'enquête est en cours » dit-elle avant de se retourner étudier la scène de crime, glissant ses lunettes aux verres fumés dans son décolleté. »

« Anderson, dans mon bureau ! », demande notre superviseur. Le silence revient dans l'air ouverte, tout le monde retournant rapidement à son bureau.

« Bravo Paul », chuchotais-je alors qu'il marche devant moi en me faisant un clin d'œil.

« Tu crois que c'est le bout du décolleté qui était de trop ?

— Au moins, il n'y avait pas de boutons de défaits », souriais-je.

Je me connecte sur ma session, relève mes courriels, lis les différents rapports d'analyse.

Les balles sont du 7,62, c'est tout ce que je voulais savoir. J'enchaîne avec les premières analyses des dossiers non résolus et celui sur 42. Le rapport du profiler est incomplet selon moi, j'ai mes suppositions, aussi je prend mon téléphone pour en discuter avec lui. Mon sentiment en tant qu'agent. Lui aussi en arrive finalement à la même conclusion : pourquoi ?

« Parce que c'était des enfants », analysais-je. « Notre bon samaritain ne sauve que des femmes en détresse.

— Selon toi, 42 protège des femmes et des enfants, mais tue de sang froid les autres ?

— Oui. Qu'est-ce que ça signifierait, qu'elle a une conscience ? Qu'elle a été battue ou pire étant enfant et qu'elle fait ce qu'elle peut parce qu'elle le peut ?

— Possible. As-tu vu cette vidéo qui devient virale depuis hier soir ? Une femme remet un homme à sa place. Il y avait quatre hommes, elle a ciblé le plus baraqué, la menace la plus sérieuse avant de fracasser son harceleur en lui faisant la leçon, puis de s'excuser auprès du baraqué de l'avoir cogné. Cette femme l'a fait car elle le pouvait. Qui sait ce qu'il se serait passé avec une autre femme, nous aurions probablement le signalement d'un viol en groupe, ou pire. 42 a un passé qui influence ses actions. Nous avons trop peu d'éléments pour le moment, comme c'est un fantôme, rien ne la relie aux différentes scènes de crime, mais... je pense que tu tiens quelque chose, Jillian. »

Je m'assois dans le fond de mon fauteuil, pensive. Il a raison pour hier soir, Alexandra a agi parce qu'elle le pouvait, une autre femme se serait faite agresser. Est-ce que le fait que je montre ma plaque m'aurait protégé ? J'ai un doute, j'aurais probablement été forcée de me défendre moi aussi. Alexandra n'a pas hésité une seconde. En fait, elle s'est même retenue parce que j'étais là. Je l'adore, elle est belle, indépendante, elle n'a pas peur de s'afficher et de défendre son droit à la différence. Je ne doute pas un instant que d'autres hommes ont dû en faire les frais, peut-être même a-t-elle appris à se battre parce qu'elle se faisait emmerder.

« Salut, Heather », dis-je en appelant ma sœur, « ça te tente un week-end ensemble ? Je ne te décommanderai pas, je n'appellerai pas à la dernière seconde pour annuler, promis. Tu mettras un maillot de bain dans ton sac. Je sais que je n'ai pas de piscine, mais nous ne restons pas en ville, je t'emmène au bord de la mer. Je sais, je suis la meilleure. Eh oui, je suis cool à la télé. Écoute, Heather, ce week-end je vais te présenter quelqu'un, mais je ne veux pas que tu en parles aux parents, d'accord ? Non, ce n'est pas un petit... oui. » chuchotais-je. « Oui », répétais-je un peu plus fort, « oui, une petite amie. Bah non, c'est nouveau. Oui, j'ai vu ça, non, tu ne tapes pas sur les garçons, elle, c'est différent. Heather, écoute moi, c'est elle ma copine. Bah oui, elle, je te la présente ce vendredi. Oui, elle cogne fort, mais elle est gentille, tu verras. Alexandra. C'est elle qui t'a acheté la peluche à l'hôpital. Je te laisse, j'ai du travail. On se voit vendredi à la sortie des cours. Bisous. »

FBI : Dossier 42 - Il suffira d'une balleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant