SWORD 4

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Agenouillée à terre, la tête basse, le poing contre mon cœur, j'attendais avec anxiété la moindre parole venant de sa part

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Agenouillée à terre, la tête basse, le poing contre mon cœur, j'attendais avec anxiété la moindre parole venant de sa part. Il avait semblé dérouté quand je m'étais présentée sous les lumières de la lune, sur le balcon de sa chambre.

Ses mains tremblantes vinrent saisir les attaches de mon masque pour le défaire et le retirer de mon visage. Cherchait-il à s'assurer que personne ne vienne usurper le rôle de Corbeau ?

Sa voix était basse :

- Que fais-tu ici ?

Je continuais à fixer le sol, je n'étais pas autorisée à porter mon regard sur l'être le plus puissant de ces terres.

- Votre Majesté, je n'oserais demander votre pardon pour n'avoir point respecté votre volonté. Je reviens de la Tour de Magie. Alastor m'a récupéré et soigné.

- Ce démon sans cœur t'a sauvé ?

- C'est exact.

- Pourquoi être revenue, tu es censée être morte. N'as-tu pas vu là une chance de te trouver une nouvelle identité ?

- Ma vie vous appartient, je vous ai juré loyauté votre Majesté.

- Relève toi.

Ses yeux aussi sombres que la nuit me scrutaient avec une certaine nervosité, passant une main dans ses cheveux courts blonds. Il semblait douter sur les choses à mettre en œuvre.

- Je me serais rendue si vous me l'aviez ordonné.

- Le Corbeau Noir ne doit plus exister. C'était l'échange convenu pour que l'Empire puisse être sauvé. Et je pensais que les autres royaumes ne s'étaient pas privés pour s'en occuper.

- Votre Majesté ...

- Je suis désolé, cette situation ne me fait pas plaisir non plus.

- Si vous le souhaitez alors ...

J'attrapa la dague que je dissimulais toujours sur moi. Dirigeant la lame vers ma propre gorge. Je le vis tressaillir de manière discrète.

- VOTRE MAJESTE !

Les troupes de la garde rapprochée venaient de faire irruption dans les appartements privés, m'encerclant rapidement, pointant leur épée vers moi. J'ai seulement le temps de remettre le masque délaissé au sol, seul vestige de ce que j'avais pu être dans cette vie, ou dans une autre.

- Qui est-elle ?

- Posez votre poignard !

- Surement une assassin de l'alliance des 4 royaumes.

- Je ne la connais pas. Une imposteuse sans aucun doute.

J'avais l'impression que le temps s'était suspendu, que la brise froide soulevant les capes bleu des gardes impériaux, m'avait lacéré le visage au travers de l'illusion du volatile. Je n'étais pas le Corbeau Noir, je n'étais rien ni personne. Même avec le masque, sans identité.

Une femme suspecte, présente dans des quartiers où elle n'avait rien à faire. Une femme avec une dague à la main pouvant être retournée contre le Prince héritier. A leur place, j'aurais déjà transpercé l'abdomen de l'intruse à moins d'avoir reçu un ordre direct et contraire.

Je sais que je ne suis pas des leurs, que je ne suis pas. Tout simplement.

La pointe froide faîte de fer vient frôler ma gorge, il me tourne le dos, n'accordant aucun intérêt pour ma fin. Je le savais mais une part de moi voulait se rappeler des bons souvenirs que j'avais avec lui, de notre enfance à ce jour.

- Qui vous envoie ? Que voulez-vous ?

Je repère le chef de la garde, si je me souviens bien il s'agit du deuxième fils du duc Anemoi. Un épéiste talentueux, lui permettant d'être rapidement repéré, je l'ai même personnellement entraîné. Que c'est assez ironique d'être prise en proie par celui qui tremblait devant moi il y a peu.

Je me relève doucement, les mains en évidence, ils gardent leur position et je suis encerclée dans cet étau de pointes acérées, le moindre mouvement et le piège se referme sur ma gorge faisant de moi une tête sans corps.

- Je suis venue prévenir Sa Grâce que l'Empire est en danger.

- Tuez-la !

L'ordre résonna et il fut bien plus blessant que tous les coups que j'avais pu recevoir, plus affamant que le manque de nourriture pendant des journées entières, bien plus cruel que le marché aux esclaves dont j'avais été tirée, bien plus froid que la neige sous mes pieds nus. Pourtant dans sa voix, cela ressemblait à un supplice déguisé. J'étais traité comme n'importe quel corbeau, j'étais traité comme ce symbole annonciateur de mauvais présage, de la mort.

J'écarta rapidement l'une des épées et en profita pour sauter par-dessus la rambarde du balcon, me laissant tomber dans le vide sous les cris effarés de la garde. Trop lents. Stupides.

Pourquoi ai-je pris la fuite ? J'aurais dû accepter ma destinée. Et sombrer dans les abysses de l'oubli. Parce que je ne suis rien. Je n'étais qu'une ombre dans les pénombres.

Je sentis ma chaire se déchirer et un liquide chaud coula de ma bouche, un des chevaliers avait lancé son arme, tel un javelot. Et cela avait transpercé mon foie, quelle brochette pitoyable de volaille je fais. Je heurta violemment la terre et je sentis mes os craquer dans un bruit assourdissant.

Ma voix refusa de hurler de douleur, une toux secoua mon corps et ma vision se troubla. Me revoilà aux portes de la mort. A croire que je n'aime pas disparaître dans le confort de la paix.

- Jetez-la dans la fosse. Qu'elle crève de ses blessures.

- Une raclure comme elle mérite bien de souffrir encore un peu.

Ce sont les dernières paroles que je peux distinguer clairement avant que le bourdonnement dans mes oreilles n'occulte le tout. Je me sens traîner à même le sol.

La nuit a-t-elle toujours été aussi sombre ?

Aux abords de la forêt proche du château, se trouve un ravin, où les cadavres de mécréants, de gens trop pauvres pour payer une stèle, ou encore d'inconnus sont jetés. Et je fais partie des trois catégories

L'odeur est immonde et je peux distinguer le grouillement des vers, des rats et de tout charognards passant dans le coin.

Mes muscles sont définitivement traumatisés par ces derniers événements, mes os sont brisés et des larmes incessantes coulent. Malgré l'eau salée que je déverse pour la deuxième fois de ma vie, je peux voir l'étendue sans lumière du ciel.

Puis deux ambres encadrés de mèches blanches me fixent, un sourire triste sur le visage ne lui convient pas et pourtant il l'aborde :

- Je n'ai pas laissé partir un si bel oiseau pour qu'un autre lui brise ses ailes. Cher Corbeau, cette fois-ci acceptez-vous d'être sauvée ?

Je ferme les yeux devant cette illusion cruelle. Pourquoi ne pas m'avoir traité comme une alliée ? La moindre des choses aurait été de me dire d'abandonner, de me faire face et de me jeter.

Pourquoi mon cœur semble se recroqueviller sur lui-même, ne voulant plus battre correctement ? Je sais que ce n'est pas dû à la douleur physique. Pourtant ça devrait l'être, pourtant ça doit l'être. Je n'ai aucun droit de ressentir des regrets, des remords, et encore moins de la peine.

Pourtant ce fut un cri éraillé par un pleur qui sortit de ma bouche.

Face à une lune voilée par les nuages gris, face à des iris plus brillants que l'astre, j'admets que j'ai mal.

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant