SWORD 33

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Devrais-je pardonner les erreurs commises il y a tant d'années ? Nous n'avons aucun poids dans les décisions, nous sommes toujours les conséquences de ceux qui nous précédaient, mais est-ce que cela justifie tout ? Est-ce que cela suffit pour pardonner tout ? Suis-je censée dire quelque chose ? Comprendre et faire quelque chose ?

- Tu m'as oublié dans ta jolie petite histoire cher Prince, commenta Alastor.

Une amertume presque âcre avait envahi ma bouche et une douleur dans les paumes de mes mains me rappela à l'ordre, je me sentais lésée dans cette histoire. Parce que je n'étais rien dès le départ, je n'avais jamais eu aucun droit.

- Toi, tu aurais dû crever !

- Dis le type qui par son existence a fait brûler une église qui servait d'orphelinat. Moi, j'appelle ça du blasphème ! Et je suis gentil, je ne compte pas le nombre de cadavres qui se sont empilés sur ta route vers le trône. Après tout, tu n'étais qu'un pleurnichard et tu ne tenais pas la fiole de poison ou la dague.

- Je n'ai jamais demandé tout ça ! Je ne suis pas responsable de ce qui s'est déroulé !

- Aie la décence de t'excuser quand tu n'es pas celui qui a le plus mauvais chemin.

- Envers toi ? Jamais ! Je devrais même te trancher la gorge. Tu es l'ennemi de l'Empire.

- Et selon qui ?

- Selon l'Empire ! Cyra, écoutes moi, s'il te plaît.

Il me faut une volonté de fer pour ne pas le tuer immédiatement, j'aimerais le voir ramper à mes pieds et me demander pardon. Mais s'excuser de quoi ? Je ne sais pas, je n'ai jamais su. Mais mon premier vœu est de le voir supplier.

- Ether. Je m'appelle Ether. Va te faire foutre, t'aurais pu enrayer la machine après. Tu ne l'as jamais fait !

- Pour que l'on soit encore ensemble, je devais renier notre amitié. Mais tu as toujours été bien traitée. Je t'ai donné de meilleures opportunités que ce qui t'attendait.

- Et Alastor ?

- Ah, enfin ! On se souvient de moi ! Eh bien Duchesse, je vous ai parlé de mon passé, et vous savez que j'ai fait un séjour à l'orphelinat... Vous êtes assez intelligente pour rassembler les éléments qui vous manquent.

Ces deux rêves qui semblaient s'amuser à me torturer, quelle douce et cruelle condamnation. Et ça serait insolent de demander une quelconque rédemption alors que je ne puis accorder mon pardon à mes propres erreurs.

L'un est une sensation réconfortante, ressemblant à une brise de printemps, apportant une chaleur encore timide et le parfum de quelques fleurs bravant le début de la saison. Pourtant, je ne me souvenais que brièvement de ce songe. Seuls quelques rires enfantins me parvenaient, pour être exact, il s'agissait du mien et de deux compagnons.

L'autre ne concerne pas le bout de passé qui m'intéresse ici.

Alors, il s'agissait d'un bout de souvenir que je possédais, enfoui dans les recoins d'une mémoire scellée. Je les connaissais depuis si longtemps.

- L'amie dont vous me parliez Alastor ...

- Vous ne m'avez jamais demandé son nom.

- Je ne veux plus vous voir.

Je quittai les lieux précipitamment, laissant les deux hommes à leurs divergences. Je ne comprends pas pourquoi je suis encore là, je n'aspirais à rien, et pourtant, j'ai l'impression que l'on m'a retiré quelque chose, qu'il me manque tant de choses.

Ma gorge me brûle et la sensation d'étouffer est écrasante, est-ce que je tremble ? Le couloir, a-t-il toujours été aussi long ?

- Dame Hemera ?

Ma vue flou ne me permet que de voir les bottes marron sur le carrelage, je ne me sens pas bien, est-ce que je sombre ?

Des bras me retiennent m'empêchant de rencontrer le sol avec violence.

- Ether !

- Que se passe-t-il ?

Les voix semblent lointaines. Tout est si loin. Rien n'a jamais été à ma portée.

Quelle est la partie vraie de ce que l'on n'a pas cessé de me raconter, qu'est ce qui n'était qu'un tissu de mensonges ? Je savais que j'étais une marionnette, mais je pensais le faire de manière consciente. Seulement, je ne me doutais pas à quel point c'était le cas.

Je repense à ces goûters secrets, ces moments où Erebe était juste un enfant de mon âge à qui je devais obéir. Mais il n'en avait jamais abusé.

" Cyra et Tsillah ", respectivement soleil et ombre. Quelle ironie, encore, encore et encore. Comme si la vie ne faisait que se moquer.

" Cyra a les yeux des cieux miséricordieux, alors que Tsillah a les cheveux blonds comme l'or, comme le soleil."

Un souvenir d'une voix douce.

Je n'ai pas toujours eu les yeux aussi clairs, ils étaient bleus, mais pas au point d'effrayer les autres. Je ne sais plus comment ... je ne sais plus ...

" Le corbeau noir annonce la mort lorsqu'il arrive. Ce corbeau est la faucheuse de la famille impériale. "

" Tsillah, Alastor, vous êtes plus âgés que Cyra, vous devez donc la protéger et lui apprendre tout ce qu'elle ne sait pas. "

" Le corbeau noir est un monstre, comme ceux du nord, sauf que le Prince lui a mis une laisse. "

" Cyra, enfant inutile. Continue comme ça et tu finiras sur le marché aux esclaves. "

" Le corbeau noir laisse toujours une plume sur les lieux du crime. "

" Cyra, Tsillah m'a tiré les cheveux ! "

" Cyra, Alastor a volé mon pain ! "

" Le baron Velpour est ta prochaine cible, pour l'honneur de l'Empire. "

Plus j'essaie de me rappeler de bribes de souvenirs, plus la douleur dans mon crâne s'accentue. La lumière est aveuglante et la pression dans mes poumons semble exploser, je veux hurler, pleurer et me laisser aller comme un enfant pourrait le faire. Chose à laquelle je n'ai jamais pu m'adonner.

Pourquoi depuis que j'ai laissé mes émotions revenir, j'ai la sensation que la souffrance est un collier m'étranglant perpétuellement.

Une main rugueuse, mais au geste doux vient essuyer mes joues :

- Maître, je vous promets de ne plus quitter votre côté, je le jure. Permettez-moi de vous dédier un serment et ma loyauté.

- Evan ...

Il me sourit comme si j'étais mourante et finalement, c'est ce que je dois être depuis le début. 

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant