SWORD 38

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Il était aisé de savoir lorsqu'on approchait de Borée, les températures diminuaient et le froid semblait vouloir s'attaquer à vos os pour les ronger. 

Nous nous étions arrêtés pour que les chevaux puissent se reposer, boire et manger. Evan se frottait les mains entre elles, sûrement pour éviter de perdre ses doigts. Le silence était agréable et une fausse quiétude habitait l'endroit.

Le cochet tentait d'allumer un feu avec désespoir. 

Une cape se posa sur mes épaules et je fus tentée de la jeter à terre face à la couleur horrible et traumatisante. 

- Vous devriez la garder. 

- Qui s'est occupé de vos affaires en votre absence ? 

- Je ne vous croyez pas être du genre curieux. 

- Je le suis à votre propos. 

- Que répondrez-vous si je vous disais que c'est l'ennemi de l'Empire, mon allié ? 

- Que vous êtes dans une position fâcheuse. Mais nous parlons que d'une supposition, n'est-ce pas ? 

- Me forcerez-vous à faire demi-tour ? Pour me dénoncer ? 

- Vous deviez avoir vos raisons. 

Je suis assez étonnée de ne pas me retrouver avec un mandat d'arrêt émis par le grand général Anemoi. Cet homme est impitoyable envers les ennemis de la couronne, appliquant les lois de la justice de l'Empire aveuglément.  Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi même, je suis celle qui l'a formé. D'ailleurs, quelle idée saugrenue de la part du Duc Anemoi que de confier l'un de ses enfants à la mercenaire de la famille impériale. 

- Vous êtes quelqu'un de bien Evan, et j'ai horreur de ça. 

J'aurais plus de scrupule à le tuer s'il venait à vouloir se dresser sur mon chemin. Certes ce n'est pas un cadavre de plus qui enverra mon âme en Enfers, j'y suis déjà. 

Cependant, j'ai apprécié cet élève. 

Il eut un rictus :

- Et bien, voyez moi comme un de mes ennemis sur le champs de bataille car eux ne pensent pas que je sois un homme bon. Leur famille me maudisse probablement. Être quelqu'un de bien ne veut rien dire. 

- Le suis-je à vos yeux ? 

- Vous m'avez sauvé, vous ne le saviez pas mais sans vous, j'aurais péri il y a tant d'années. 

Je ne comprenais pas ses propos, il n'était qu'un disciple, nous n'avions eu rien d'autres que des cessions d'entraînements, je lui parlais à peine et je ne me suis jamais occupée de lui autrement que le rendre plus fort. Afin qu'il puisse être lui aussi une arme au service de l'Empire. 

- Je n'ai rien fait. 

- Je ne suis que le second fils du Duc, l'héritier état déjà décidé à ma naissance et mes parents désiraient ardemment une fille, et je ne l'étais pas. Mon père voulait se débarrasser de moi rapidement et je n'ai jamais reçu l'éducation nécessaire pour gérer les affaires familiales. Mais je l'ai accepté depuis longtemps. L'indifférence forgeaient les murs de ma chambre, et puis un jour, j'ai été choisi pour participer à un programme. Vous m'avez offert bien plus de considération que chez moi. 

- Votre dévouement aurait été affilié à n'importe qui alors. 

- Mais c'était vous. Et le passé ne changera pas, alors acceptez le s'il vous plaît. 

- Ce n'est pas moi que vous appréciez. 

- Pourtant j'admire encore les mêmes choses, que ce soit avec et sans le masque. Votre détermination, votre franchise, vous agissez comme si l'avis des gens vous importez peu ... 

Leur vie aussi mais je m'abstiens de relever cela. 

- C'est pitoyable d'en être réduit à se raccrocher autant. Vous aviez tant besoin d'attention que vous vous êtes tourné vers la première personne qui n'a pas été indifférente à votre sort. Et encore, si vous aviez péri sous ma garde lors de votre entraînement, je n'en aurai eu que cure. Considérez vous toujours que je mérite votre admiration ? 

- Je suis peut être pitoyable, il est vrai. Mais ça ne change pas ce que je ressens. 

- Que voulez-vous ? 

- Vous servir, me tenir à vos côtés. 

Je regarde les nuages gris doucement filer dans le ciel, je n'ai jamais pris le temps d'observer la nature, même quand je dormais dehors. Car je devais survivre, surveiller mes arrières. 

- Même si je décide de lever le drapeau de ma famille contre celui de l'Empire. 

- Pourquoi feriez-vous ça ? 

- Parce que je le peux. 

- Vous ne feriez pas les choses sans raison. 

Il me tend de l'eau et me sourit paisiblement, ajoutant :

- Je suis prêt à vous prêter un serment éternel. 

- Pitoyable. 

- Alors apprenez moi à être meilleur. 

- Vous ressemblez à un séducteur de bas étage. 

Il posa un genou à un terre, sorti son épée et me la tendit en baissant la tête : 

- Général Evan Anemoi, vous demande d'accepter le vœu que je vous fais.  Laissez-moi vous dédier ma vie, ma loyauté et mon épée. Je lèverai tous mes moyens pour vos commandements, votre sécurité et votre gloire.   Et je périrai si vous l'ordonnez. 

- Vous ne savez pas dans quoi vous vous engager. Si je décidais de ruiner l'Empire, de tuer ceux qui sont sur le chemin sans distinction entre les innocents et les coupables. 

- J'essaierai de vous raisonner si votre jugement est obscurci cependant j'ai foi en vous. 

Je saisi la garde doucement, pose la lame sur son épaule droite et lui accorda ce qu'il désirait :

- Evan Anemoi, puissiez me servir avec tout votre dévouement. 

- Si j'échoue, je vous laisserais m'ôter la vie. 

- N'en arrivons pas là. 

Je lui rendis son arme. Il voulait se renseigner sur mes motivations :

- Vous souhaitez renverser la couronne actuelle ? 

- Peut être bien. Ce monde est cruel, je le serais plus encore. 

- Je ne suis pas d'accord. Je pense qu'en partant d'une même tragédie, il y a ceux qui se battront pour aider les autres à ne pas vivre la même chose, et ceux qui pensent qu'engendrer un cycle de haine sera plus bénéfique. C'est à ce choix que se distingue les héros et les méchants. 

- Et il y a ceux qui restent prostrés sans jamais se relever. Alors quelle est la meilleure décision selon vous ? 

Il hausse les épaules, regardant les étincelles d'un début de flammes entre les brindilles d'un feu encore inexistant mais en devenir :

- Tant que vous ne vous perdez pas vous même. 

Il aurait déjà fallu que je sache qui je suis et je me sens ballotée dans des directions où le mensonge me sert d'aiguille pour me guider. Je ne peux pas me fier à un passé qui a été scellé et mes seuls repères n'en étaient pas vraiment. 

- Je ... je crois que j'aimerais savoir qui je suis. 

- Sans le masque ? 

- Sans le masque. 

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant