SWORD 28

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Des troupes supplémentaires étaient venues au petit camp improvisé qui mobilisait maintenant tout le village. Les drapeaux et étendards flottaient désormais au milieu des quelques fumées des chaumières.

Le temps était resté gris, et sur la place centrale, là où l'effort de pavé le sol avait été fait, le corps du monstre avait été soigneusement étudié par quelques chercheurs impériaux avant d'être déplacé.

- Eh bien, Dame Hemera, vous ne manquez pas de vous faire remarquer.

Je me tournai vers le balafré, il abordait cet air rempli de sagesse et d'autorité acquise.

- Il paraît.

- Vous ne vous êtes pas positionnée quant à vos prétentions lors de votre ascension.

- Je n'en ai aucune, n'ayez crainte. Je ne souhaite pas rejoindre le rang des chevaliers impériaux et encore moins viser le sommet des hauts gradés. Je retournerai bientôt dans le Nord, à Borée.

C'était ce que je prévoyais de réaliser dès que cette expédition prendrait fin et que je pourrais annoncer mon départ. Alors je ne mentais pas en ce qui concernait mes projets. Même si à plus long terme, je pense nuire au futur empereur et par conséquent à tout cet empire.

- Je pense que votre père vous a parfaitement éduqué comme étant le prochain Duc. Vous êtes incontestablement une épéiste et une combattante exceptionnelle, vous savez diriger des troupes, mener des hommes et prendre de bonnes décisions.

- Lors de guerres ou de combats, il n'y a jamais de bonnes décisions, Capitaine. Seulement des plus ou moins mauvaises et, ou cruelles.

Il hocha la tête silencieusement, ses yeux se perdant dans un flou que je ne pouvais pas discerner, son esprit rejouant certainement quelques regrets, remords et traumatismes.

- Dame Hemera, une missive pour vous, arrivée du palais !

Je récupérai l'enveloppe écrue, aux bords bleus et au cachet de cire de la même couleur, le sceau de cette maudite famille apposé dessus. Je fis sauter le cachet et dépliai la lettre :

" A la Duchesse Hemera,

Je vous remercie quant à votre bravoure lors de cet incident. Par votre courage et votre devoir, vous avez permis à l'Empire d'éviter de nombreuses pertes inutiles.

Dans l'attente de votre rapport, je vous tiens informé qu'un banquet sera organisé lors de votre retour.

Vous serez conviée à rejoindre la garde impériale afin de lever vos armoiries sous le drapeau de Nycchta. Et vous renouvellerez le serment de votre famille auprès de la couronne. Chose qui a été interrompue lors de votre cérémonie.

Ne prenez aucun risque qui ne saurait être bénéfique à l'Empire.

Erebe Nycchta, Prince de l'Empire. "

J'ai presque envie de rire devant ce gâchis de papier, mais je me contente de pincer mes lèvres entre elles. Est-ce une menace ? Un rappel ? Essaie-t-il de me dresser ? De me passer une laisse au cou ? Je froisse le papier et m'approche de l'une des torches bordant la place afin de réduire à néant ce tissu merdeux.

Je croise les orbes brûlants de Bayu, m'observant avec intérêt. J'allais l'interpeller quand des bruits de sabots et le hennissement d'un canasson se fit entendre. Attirant l'attention de tous, je n'ai le temps que d'apercevoir la robe noire de la monture avant qu'une cape, d'une teinte que je hais, ne m'obscurcisse la vue. Des bras s'enroulent autour de ma taille et ma joue rencontre la fermeté d'un torse.

- Maître !

- N'est-ce pas le Général ?

- Est-il si proche de Dame Hemera ?

- Cela semble logique, il était son apprenti.

- Maman, regarde !

- Qui est-ce ?

Je repousse l'homme qui avait pourtant la réputation d'être dans la maîtrise de soi-même, ne débordant pas de marques affectueuses.

- Evan, bon sang, lâchez-moi, qu'est ce qui vous prend ?

- Toutes mes excuses, Maître. J'ai eu vent des dernières informations et je voulais m'assurer que vous alliez bien.

- Ai-je l'air d'être un faible ?

- Non, ce n'est pas ce que je sous-entendais.

Je souffle et lui tourne le dos, je voudrais simplement un peu de repos, mais ce serait vain d'espérer en avoir ici.

- Général que faîtes vous ici ?

Il se racla la gorge et l'émotion que j'avais pu déceler dans sa voix fut complètement oubliée.

- M'assurer que tout allait bien. Je vais m'entretenir avec le capitaine.

Alastor est un félin rusé qui semble s'amuser à taquiner, attendant que j'appelle pour venir apporter son soutien désormais, alors qu'Evan ressemble à un chien qui voudrait complaire à son possesseur. Je ne vois pas pourquoi il s'en réfère à moi. Il s'illusionne.

Quant à Erebe, je ne peux que comprendre sa position, mais je ne peux pas accepter la manière dont les choses se sont faîtes, je ne peux pas pardonner ces tentatives de meurtres sur ma personne, je ne peux pas oublier que ces années d'amitié n'étaient que des sornettes. Comme un conte de fées que l'on raconterait à des enfants naïfs.

- Dame Hemera. Puis-je vous exprimer ma gratitude ? Sans vous, je serais en piteux état.

- Tu veux plutôt dire qu'il n'y aurait pas eu d'état. Tu n'aurais été qu'une charpie, un amas de chairs méconnaissables dont même les vautours auraient fait les fines bouches.

Il grimaça à l'image que je venais de peindre de son corps déchiqueté dans le cas où il aurait fini dans la gueule du monstre. Bayu s'inclina humblement, prenant le soin de baisser la tête et les yeux.

- Je n'ai aucun grade, tu peux oublier les courbettes.

- Vous restez une Duchesse, qui plus est du duché de Hemera. Je vous dois les honneurs.

- Tu es roturier, c'est bien cela ?

- Oui.

- Qui t'a autant instruit ?

Des contrées que j'ai pu visiter, des populations que j'ai observées et étudiées, des nobles que j'ai assassinés, je n'ai pu qu'acquérir une certaine capacité d'analyse. Et je peux pratiquement affirmer que son langage verbal et corporel, que sa maîtrise de l'étiquette et sa manière d'être et de faire, ne sont en rien ceux d'un homme sans éducation. Or, ce monde injuste ne donne les connaissances qu'à ceux qui possèdent les richesses de ces terres.

- Quand je suis rentré dans les forces de l'Empire, ma Dame.

Son regard ne flanche pas alors qu'il comprend qu'il est le sujet d'interrogations méfiantes. Il est assuré.

Je serais au service de la couronne, je n'aurais pas d'autre choix que de pousser mon investigation afin de mieux comprendre ce qu'il en retourne. Mais le Corbeau Noir n'est qu'un traître et la Duchesse Hemera n'a pas prêté allégeance au régent. Alors ce n'est pas mon problème, même s'il s'agit d'un espion, d'un assassin, d'un mécréant ou tout simplement d'un noble désavoué, je n'en ai que cure. Qu'il aille porter préjudice à qui que ce soit, tant que ce n'est pas moi.

- Tu as dû apprendre si vite, ton travail a été acharné, au point que l'on pourrait croire que c'est de naissance.

- Aurais-je réussi à vous impressionner ?

- Tu vas vite en besogne. Va-t-en.

Il se retira après une salutation respectueuse. Mon instinct me dit de me méfier, car il semble vouloir s'approcher de moi. 

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant