SWORD 59

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Evan fixait le vide, son visage fermé ne me laissait pas deviner les pensées qui pouvaient le traverser. L'air gris de l'extérieur n'apportait aucune chaleur à son attitude maussade, se tenant derrière la fenêtre comme se tiendrait un prisonnier. 

- Tu t'inquiètes pour ta soeur ? 

J'avais laissé tomber les usages alors que l'ancien général venait de faire sombrer sa réputation et l'aisance de sa vie toute tracée même s'il ne l'avait pas vraiment choisi. Est-ce que les regrets enfouis venait gratter la surface de son coeur pour tenter de ronger sa détermination. 

- Elle est vraiment nécromancienne ? Ma famille n'aurait pas pu cacher cela à l'Empire. Mes parents sont de fervents serviteurs des Nychta. 

- Même le plus croyant, peut perdre la foi lorsque sa divinité demande un sacrifice trop élevé.

Il se tourna vers moi, arrêtant d'observer les flocons de neige qui tombaient en continu dehors, rien ne changeait dans cet endroit protégé par le froid glaçant. Je pouvais très bien deviner qu'il se disait que si ça avait été lui, l'enfant maudit, ses géniteurs, l'auraient jeté en pâture dans l'enclos des prédateurs jugeurs prêts à donner un coup de grâce. 

Je pourrais bien me demander quel enfant il était mais je l'ai formé dès son plus jeune âge, je me doute bien qu'il n'a pas connu le même confort que sa fratrie, je me doute bien qu'il est un enfant destiné à être une arme, ou du moins un échange dans une balance, un outil.  

Je pourrais avoir de la peine mais ça serait reconnaître que j'ai de la considération pour mon ancien apprenti. 

- Alastor fait envoyer des corbeaux dans tous les domaines. La vérité ne peut pas se cacher dans l'ombre éternellement. 

- Vous allez révéler l'inexistence d'une sainte ? 

- Eole a abandonné ces terres, leur guide n'est autre que le messager des enfers et l'Etat du duché Anemoi en est la preuve. Lorsque nous sommes partis, les gardes impériaux avaient été alerté et arrivaient. Ils ont dû trouver ta soeur en pleine incantation pour tenter de sauver les morts vivants qui brulaient. Il va être compliquer d'endiguer les rumeurs et ce que les soldats ont vu. Le temple ne pourra pas réfuter et devant la colère d'une nation, nobles et roturiers, ils la traiteront d'hérétique, de menteuse. Les Nychta n'auront d'autre choix que de faire de même, l'accuser pour se dédouaner. La traiter de menteuse, de manipulatrice. Ce qui m'importe le plus, c'est qu'ils perdront un atout précieux. Je n'aurais presque rien à faire, ça en perdait presque de sa saveur que de sortir mon épée. 

- Ne ressentez vous pas de peine ou de regret que de détruire la nation où vous avez grandi ? 

- Pourquoi t'inquiètes tu autant de mon état d'âme ? 

- Parce que la vengeance est un cercle de haine, de chaos et de destruction et que peut être qu'à la fin, quand il ne restera plus rien, vous ne ressentirez pas le contentement et le soulagement que vous recherchez. 

- Peut être que je n'aurais pas dû te garder à mes côtés. 

- Maître ... vous avez ma loyauté, j'ai juré de vous servir jusqu'à ce que mon souffle s'éteigne. 

- Penses-tu que tu pourrais convaincre l'armée bleu de tourner leur épée vers la couronne ? Penses-tu que tu pourras renier tout et même moi pour mon idéal ? Je n'ai pas fait de toi la même personne que moi pour cela. Tu n'es pas digne d'être la relève du corbeau et encore moins de me servir. Evan Anemoi, le monde s'effondrera à mes pieds et tu en feras parti. 

- Et Alastor ? 

- Est-ce de la jalousie que je perçois ? 

- Oui. 

Il eut un mouvement de recul, fixant mes lèvres. Venais-je d'esquisser un sourire ? Il m'avait échappé et s'était rendu visible. Il était troublé par l'expression nouvelle que j'abordais. 

- Maître ... Je ... 

- Que disent les rapports ? 

- De plus en plus, les gens s'aperçoivent que la nourriture baisse et la misère de la faim s'infiltre plus vite dans les rues que celle de la guerre. 

- Combien d'hommes sont restés à Borée ? 

- Très peu, les blessés sont alités, les morts ont été ramenés à leur famille pour ceux dont la dépouille a pu être transportée. 

- Et les fuyards ? 

- Comme demandé de votre part, arrêtés puis relâchés après leur avoir pris leur main droite comme solde. Ether, ils ne pourront plus trouver de travail avec un tel handicap. 

- Je le sais. 

- Ils vont devoir mendier et vivre lamentablement. Il aurait été préférable de mettre fin à leur vie. 

- Je ne donne pas la mort, je l'accorde. Là est la différence, les couards et les lâches ne méritent pas d'être épargnés et il est bien plus cruelle de condamner à une survie pitoyable, qu'une fin définitive. 

- Ether ... 

- Tu te rattaches à des souvenirs où je pouvais me montrer tolérante car tu étais mon élève et que j'avais des ordres. Mais soit en conscient, marche à mes côtés, ou alors tu passeras sous mes pas. Et tu n'as jamais eu les épaules pour être mal aimé par les gens que tu veux sauver. 

- Non, je ne m'y intéresse pas. 

- Mensonge à toi même Evan. Tu m'idéalises comme je le faisais avec Erebe. Mais nous ne sommes pas fait des mêmes racines. 

- Vous me poussez à partir ? 

- Le choix t'appartiens, tu peux encore retourner la queue entre les jambes vers l'Empereur, clamant que tu as rejoins mes rangs pour comprendre mes plans, pour me trahir. Ca ne serait pas étonnant du Général Anemoi. Car après tout, vous êtes le bras droit d'Erebe sur les champs de bataille, même si vous lui avez laissé la lumière. 

Finalement, peut être que bousculer Evan pourrait donner un résultat inattendu. Peut être qu'un autre héros de guerre au pouvoir le temps de calmer les choses pourrait être utile. De plus si un ancien proche du pouvoir vient à reprocher des choses à ce dernier, alors la légitimité tremble. 

Les jeux de marionnettistes ne m'intéressaient pas mais l faut bien y passer. Même si je choisirai en priorité la manière directe. 

- Ne me rejetez pas ... 

- Ce n'est pas le cas. 

- Je vous avais prévenu qu'un chien, même domestiqué, reste un animal. 

Alastor venait d'arriver, du sang séché sur ses habits et sa peau, son air hautain habituel sur ses traits. 

- Vous n'êtes qu'un fou. Ceux qui prétendent pouvoir marcher du même pas doivent aussi faire savoir les limites et les risques savoir dire quand les choses ne vont pas. 

- Parce que vous doutez. Pas moi. 

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant