SWORD 29

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Il était étrange de passer les portes principales de la capitale en plein jour, sous les acclamations des gens d'ici. Félicitant le retour d'une troupe sans aucun pedigree, des banderoles de fleurs étaient accrochées aux volets, les enfants tentaient de passer entre les jambes de leurs parents afin de s'approcher suffisamment des chevaux pour discerner l'objet de cette agitation.

- Dame Hemera, cela est grâce à vous. Vous avez abattu une bête démoniaque et sauvez de jeunes recrues. Certaines personnes ici sont des pères, mères, frères et sœurs ou bien des amis de ceux qui ont pu voir se lever un soleil de plus.

Je portai mon regard sur la pauvreté évidente des rues par rapport aux manoirs et aux domaines des nobles, pourtant le niveau de vie moyen est bien meilleur ici que dans les autres contrées. Disons que la guerre n'a pas aidé.

Evan m'offrit un léger sourire discret alors qu'il venait de m'encourager à profiter de cette ovation. Le Prince a-t-il reçu le même accueil lorsqu'il a passé l'entrée de la ville ? S'est-il senti glorifié ? A-t-il pensé au poids de sa décision ? A-t-il même eu une pensée envers le Corbeau Noir ?

Ces sourires, ces paroles dégoulinantes de reconnaissance éphémère, tout me paraît abject. Cette ambiance légère appelant à la fête, alors que je pourrais tout aussi bien laisser le destin et les ennemis écraser tout espoir, tout souffle, rendre cette nation un tas de poussière que les années et l'histoire balayeront comme s'ils n'avaient jamais existé.

Le capitaine se penche à son tour à ma hauteur :

- Le bleu vous irait mieux.

J'eus un rictus en pensant à quel point j'aurais l'air d'un ridicule cruel en abordant la cape bleue de l'empire, de ce qui est censé être un honneur alors que cela en est devenu un cauchemar.

- Loin de moi l'idée de vous contrarier. Je ne suis pas l'une des vôtres.

Une fillette se présenta sur la route, tendant un bouquet à la hauteur de son visage, en ma direction. J'arrêtai ma monture et fixai les marguerites sauvages constituant maigrement l'ensemble.

- M'dame la chevalier ! Merci d'avoir ram'ner mon grand frère !

- Sayu !

Le débile que j'ai secouru seulement après l'intervention de Bayu se précipite vers l'enfant et la prend dans ses bras. La faisant rire aux éclats et enserrer son cou de ses petits bras misérablement faibles.

- N'est ce pas émouvant ? Demanda Evan.

- Je te pensais moins sensible.

- Je sais seulement faire la différence entre le champ de bataille et lorsque je rentre. Nous avons tous droit à des moments de douceur.

- Alors peut-être que je n'ai jamais posé mon épée.

Je vis une légère crispation de son corps et son visage si neutre prendre quelques rides sur son front pendant un instant fugace.

Une fois que nous pûmes rejoindre le château, nous avons laissé d'autres s'occuper des affaires à nettoyer et ranger. Je gagnai ma chambre rapidement, souhaitant me débarrasser des bavardages inutiles des recrues et des boissons alcoolisées qui allaient couler pour se féliciter d'avoir évité la faucille de la mort.

Il me semble que le capitaine et le général sont directement partis établir leur rapport en ce qui concerne cette affaire.

Sans surprise, et pourtant, je me trouve à être exaspérée par la venue impromptue d'un certain mage aux cheveux blancs sur mon couchage. Un livre au-dessus de son visage, maintenu à bonne distance pour être lu aisément. À croire qu'il était chez lui. Il ne daigna point me prêter attention alors que je jetai mon arme sur le matelas, manquant de peu d'envoyer une lame sur sa tête.

- Quel déplaisir Alastor.

Il sourit grandement en m'entendant me plaindre comme salutation. Pourtant, ses pupilles félines continuaient de parcourir les lignes, il s'amusait d'un rien et venir encombrer mon espace semblait assez lui plaire.

Je saisis l'ouvrage, le lui arrachant et le fermant afin de voir la couverture usée :

- "Les contes de fées sont pour les grands". N'est-ce pas pour les enfants ?

- Vous voyez bien que non, le titre s'intitule ... Aie !

Je l'avais frappé avec l'objet en question, l'interrompant brutalement :

- Cessez vos bêtises.

- Vous avez posé la question !

Le voilà qu'il s'indigne, dans son malheur plus que léger, j'y trouve un certain réconfort. Il a la décence de s'asseoir plus convenablement afin de me faire face et peut être aussi pour mieux esquiver le prochain coup que je pourrais potentiellement lui porter. Ce n'est pas l'envie qui me manque cependant, je suis quelqu'un de raisonnable et le frapper ne fera en rien avancer les choses.

- Qu'avez-vous appris de votre petite expédition mea pulchra ?

Je ne veux même pas savoir s'il s'agit d'une insulte ou d'un compliment et je ne compte pas lui demander, cela serait sa plus grande joie que de m'enseigner quelque chose.

- Vous prenez donc possession des corbeaux ? Est-ce une mauvaise farce ? Car je jure que si c'est le cas, je vous tranche la gorge.

- Par Eole, vous me feriez presque peur.

Il exagéra son ton dramatique tout en affichant cet air suffisant et rieur. Je comprenais aisément pourquoi il était si peu apprécié, surtout par ses subordonnés.

- Arrêtez de blasphémer. Vous êtes autant athée qu'un caillou.

- Comment voulez-vous que je sois croyant ? Je suis si beau, talentueux, ingénieux, polyvalent, minutieux, drôle, responsable et honnête que je ne peux être que supérieur à ce Dieu inexistant, ou en tout cas, je suis ce qui s'en rapproche le plus. Les gens devraient m'offrir offrandes et prières.

- Vous avez mis des mots au hasard dans la liste de vos fausses qualités ?

- Une liste ? Qu'insinuez-vous ? Que je ne suis qu'au bas mot, aussi valorisable qu'une vache ?

- D'un point de vue d'un fermier, vous vaudriez toute sa vie ...

- Je n'ai fait qu'un court extrait de toutes mes qualités, si nous devions les écrire, je pourrais remplir la bibliothèque impériale de mes éloges.

Une douleur à la tête me rappelle qu'en plus d'être agacée par la présence d'autrui, Alastor n'est qu'une nuisance sonore de plus que je devrais chasser.

- Que faîtes vous là ?

- N'ai-je plus le droit de rendre visite à ma protégée favorite.

- Oh alors vous avez le syndrome du héros et vous vous amusez à courir après les désespérés et les suicidaires ?

- Est-ce une manière détournée de demander si je fréquente d'autres femmes, adorable jalousie cachée ?

- Je crois bien que vous vous illusionnez. Et vous devriez peut-être revoir vos critères de fréquentations.

- Ether, ne vous trompez point. Je suis altruiste égoïste, si ce n'est pas mon exception, alors je laisserais les bêtes et les enfers dévorer n'importe qui et n'importe quoi.

- La raison de votre déplaisante visite ?

Il se lève et ses lèvres se pincent en une fine ligne avant de prononcer ce qui s'avère être une révélation :

- Vous n'êtes pas vraiment humaine. Enfin, vous ne l'êtes plus. 

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant