SWORD 61

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Un grain de sable peut rayer une lame affutée, un grain de sable peut aveugler, un grain de semble peut déranger lorsqu'il se loge sous une dent, un grain de sable irrite l'épiderme des plus sensibles. 

Alors que se passe-t-il quand ce grain de sable s'accumule avec d'autres ? Lorsque le vent porte des tas et des tas de grains de sable.  Que la ville devient un désert sans oasis ? 

Je me demande si le désespoir est un sentiment humain ou si la peine et la haine qui se gangrène pourrissent dans le coeur des êtres vivants quel qu'il soit. 

Les murs humides et la pénombres des souterrains me rappellent mes années à frôler les pierres, effaçant ma présence tel un mort, n'existant que dans la mémoire, pour obéir aux ordres d'autrui. 

Alastor trépigne et méprise les couloirs sales des cachots, il râle qu'il préfère les grands espaces et le soleil, que les moisissures vont entacher la qualité de ses poumons. Malgré la légèreté de ses pas, pendant que je guide le chemin, il n'arrête pas de pousser des soupirs mélodramatiques. 

Nous arrivons finalement devant les grilles qui détiennent ce qui m'intéresse. Dans une cellule, où si l'on tend les bras, on peut toucher les deux murs opposés, se trouve la jeune femme adulée, ayant perdu toute sa superbe. Les soins luxueux, les privilèges, les robes de soies et de dentelles, les huiles et parfums couteux, ne sont que souvenirs et poussières désormais. 

Affalée au sol, sans aucune classe et élégance, telle une gueuse n'ayant reçu aucune leçon de sa vie, elle semble avoir oublié les années de cours d'étiquettes qu'elle a reçu. 

Ses cheveux bruns sont emmêlés et ternes, sa peau immaculée n'est plus nettoyée depuis un moment. Elle relève la tête vers nous en entendant notre présence, ses pupilles sont adaptés à la rare lumière présente, elle nous reconnait. 

Je n'en doute pas,  le léger recule et le frémissement de sa lèvre inférieure traduit sa peur. Sa voix craque et ses cordes vocales pourraient se briser alors qu'elle tente de hurler : 

- Gardes ! Gardes ! 

- Tu te remets encore à l'Empire alors que tu es devenu le monstre de celui-ci ? Misérable, c'est ce que tu es Séléné Anemoi, nécromancienne. 

- Non, non je suis la sainte ! Je sauverai tout le monde !

Elle s'accroche a quelque chose de vain, elle n'arrive pas à accepter la déchéance et l'échéance de sa vie où elle était adulée. 

Alastor claque sa langue contre son palais, il n'était pas déjà ravi de l'idée que de rendre visite à cette femme, et il était encore plus agacé par ce comportement de déni prononcé. 

- Je ne comprends pas pourquoi nous sommes ici. 

- Séléné, je t'offre une chance de vivre. 

- Erebe viendra me chercher !

Un rire sort de ma bouche, beaucoup trop honnête, vibrant et l'hilarité me prend. Erebe ? Se sacrifier pour quelqu'un ? Oserait-il entacher sa réputation ? Sa couronne pour autrui ? Non car comme elle, il se croit investi d'une mission plus large, plus globale. Ils se prennent tous les deux pour le héros de l'histoire alors que si un jour leur chute advienne, un autre prendra leur place.  S'ils ne sont pas des sauveurs pour le peuple, ce dernier trouvera un moyen de s'en sortir par lui même. Et sinon ? 

Il y aura toujours des pertes, toujours des luttes et des combats, où tout n'est que question de point de vue et d'égoïsme. 

- Séléné, ma douce sacrifiée, tu n'es rien à part un instrument pour une cause qui n'appartient qu'aux instances supérieures. Tu n'en faisais pas partie. Le Temple dit que les Anemoi t'ont caché et l'Empire hurle à la mascarade de la part de ta famille et du temple qui aurait dû voir que tu n'étais qu'une imposture. 

- Et toi ?! Menteuse ! Ether Hemera ! Le Corbeau ! 

- Demain tu seras exécutée pour traîtrise ainsi que tes parents Séléné, ton frère aîné est épargné pour service rendu à la nation, mais il perd sont titre, son héritage et les terres. Il doit s'exiler. Quant à Evan, disons qu'il a la chance d'être sous mes armoiries et non plus sous celle des Nychta. Oh c'est vrai que tu t'en moques Séléné. 

- Tu as pourri le cerveau de mon frère ! Il retrouvera la raison ! Tu es un monstre !

- Peut être que oui. Je dirais même que j'adore être le cauchemar des nuits d'Erebe et peut être des tiens. 

- Que veux-tu ?! C'est de ta faute si j'ai tout perdu ! 

- Ne rejette pas la responsabilité, quand tu es celle qui porte un masque. Tu manquais d'attention ? Demain tu en auras sur l'échafaud. 

- Ironique. Tu es celle qui portait un masque ! Et pas au sens figuré ! 

Je passe mon bras à travers les barreaux, attrapant son visage en coupe, je la tire sans problème vers moi : 

- Tu veux être une sauveuse ? Je peux te proposer seulement de te sauver toi. Nécromancienne, ta vie de sainte est finie. Es-tu prête à regarder les têtes de tes parents rouler à tes pieds avant d'être pendue ? 

- Quoi ? Tu veux que je rejoigne ta rébellion ? 

- Je vais détruire l'Empire. 

- Parce que quoi ? Tu ne veux pas être le sacrifice qui nous a sauvé de l'ennemi ? 

- Ironique, quand tu ne veux pas l'être non plus Séléné. Tout le monde applaudit le héros qui jette en pâture une personne mais personne ne veut être l'agneau que l'on égorge. 

Cette conversation ne menait à nul part et la rage dans le fond de son iris me donne envie de la pousser à bout. Je relâche sa mâchoire et me recule : 

- En tant que proies, entre nous nous pouvons bien nous entre-aiders. 

Elle cracha à mes pieds, d'une salive sèche, sans eau. 

- Un corbeau est un charognard et je vois que tu continues sur cette lancée. 

- Ce n'est pas moi qui récupère les restes pourtant. Demande à Erebe s'il préférait les nuits avec moi ou celles passées avec toi. 

Le regard choqué d'Alastor pourrait valoir bien plus que le dégoût sur les traits de la lady. 

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant